Concerts en plein air : La Ville de Bruxelles empêche les Bruxellois de dormir !

Concerts en plein air : La Ville de Bruxelles empêche les Bruxellois de dormir !

Comité Villa Hermosa-Coudenberg-Régent et parc du Cinquantenaire contre les nuisances sonores. Concerts en plein air : La Ville de Bruxelles empêche les Bruxellois de dormir !

La pollution sonore est sans conteste une des principales causes des nuisances rencontrées dans l’environnement urbain. Sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, 63% de la population est soumise à un niveau de bruit supérieur aux  recommandations émises par l’OMS. En outre, 23% des Bruxellois ayant participé à une enquête menée en 2008 par l’IBGE considèrent le bruit comme le problème environnemental numéro un. Et parmi les ménages se plaignant du bruit en RBC, 43,2% ont déjà songé à déménager pour résoudre ce problème.

Les nuisances sonores sont générées par de multiples facteurs : trafic (routier, aérien, ferroviaire,…), installations HVAC5, bruit généré par l’activité des entreprises et du secteur Horeca, bruit de voisinage… et musique amplifiée.

C’est le sujet de la présente conférence de presse. La musique amplifiée, lorsqu’elle est diffusée dans un espace fermé (salle de concert, bar, discothèque), peut voir ses effets néfastes, pour le voisinage, limités par des dispositifs d’isolation des bâtiments. En revanche, il est bien évident qu’il va en tout autrement dans le milieu ouvert de l’espace public (places, parcs) où l’on constate, ces dernières années, une multiplication des manifestations ayant recours à la diffusion de musique amplifiée électroniquement (Apéros Urbains, Piknic Electronik, La Garden Party, fêtes et festivals en tout genre, etc.). De plus, bon nombre d’événements ont tendance à se concentrer dans un nombre restreint de lieux de la Région comme, par exemple, le Quartier Royal et le parc du Cinquantenaire. Ils engendrent une répétition de nuisances qui tendent à devenir insupportables pour les riverains de ces quartiers, compromettant ainsi l’habitabilité de la ville.

L’ARAU travaille depuis plusieurs années avec des groupes d’habitants du comité de quartier Coudenberg-Villa Hermosa-Régent et du Cinquantenaire qui sont soumis à une intense pression, particulièrement durant la « saison des festivals » (de mai à septembre). Ainsi, les membres du comité Coudenberg-Villa Hermosa-Régent ont comptabilisé pas moins de 28 dates, entre le 7 mai et le 12 septembre 2010, auxquelles des manifestations produisant des nuisances sonores importantes se sont tenues dans le Quartier Royal. Soit une fréquence de près d’un événement tous les 3 jours! Ils sont favorables à une politique festive et culturelle mais trop is te veel, aussi bien en terme de nombre que de volume sonore !

« Baisse le son ! », – « Quoi ??? », – « Baisse le son !! », – »J’t’entend pas… »

Les volumes sonores atteints lors de nombreux concerts sont dangereux pour la santé du public qui y assiste. Les pouvoirs publics en conviennent et la Ministre en charge de la santé à la Communauté Française, Fadila Laanan, mise sur la prévention plus que sur la répression. Ainsi, à propos des festivals organisés cet été : «Nous sommes davantage dans une logique de prévention et d’information, explique Aurore Dierick, porte-parole du cabinet ministériel, nous n’avons pas l’intention de poser des actes répressifs et l’on mise sur la collaboration avec les associations concernées par le problème telles que Modus Vivendi ou l’ASBL Court-Circuit.»

Parmi ces mesures préventives, la promotion de l’usage de bouchons d’oreilles est loin de faire l’unanimité. Seuls 10% des festivaliers les utilisent et ils ne diminuent que partiellement les atteintes au système auditif. Selon Daniel Léon, ingénieur du son, leur efficacité est plus que limitée et ils ne servent en fait que « d’alibi pour jouer plus fort ». En 40 ans le son des festivals a été augmenté de 40 db. Des journalistes et des médecins ont fait des relevés : les groupes jouent actuellement jusqu’à 120-128 db.

Ne serait-il pas dès lors plus simple de baisser le son ? Voilà une mesure dont l’efficacité ne fait pas débat et qui contribuerait à assurer aux riverains de ces événements une qualité de vie bien meilleure. Et aux participants d’épargner l’avenir de leur système auditif. Un problème de santé publique unanimement reconnu. On ne compte plus le nombre d’études reconnaissant les effets néfastes de l’exposition au bruit.

L’OMS identifie ainsi comme conséquences possibles :

  • déficit auditif
  • interférence avec la compréhension de la parole
  • perturbation du sommeil
  • perturbations des fonctions physiologiques (hypertension, maladie cardiaque ischémique)
  • santé mentale, stress
  • niveau de performances (travail, école)
  • effets sociaux et comportementaux

Dans un document publié par l’IBGE, on peut lire : « Le bruit est vraisemblablement un des facteurs environnementaux qui affecte le plus largement les européens. (…) L’effet majeur sur la santé du bruit est évidemment l’atteinte de l’audition avec parfois perte de celle-ci. (…) Mais à côte de cette atteinte de l’audition, le bruit peut aussi être la cause de nombreux autres effets délétères. (…) Parmi ces effets, sont décrits une sensation de gêne, des perturbations de la communication orale, de la concentration et du sommeil, avec comme conséquence des effets cardio-vasculaires, hormonaux et bien sûr sociaux (comme une moindre performance au travail p.e.). Les risques relatifs d’atteinte du système cardio-vasculaire (hypertension, symptômes cardio-vasculaires) sont clairement augmentés chez les adultes présentant un fort sentiment de gêne chronique lié au bruit (RR=3) par rapport aux adultes indiquant une gêne modérée. » Sur base de ces constats sont établies des « valeurs références » de trois types :

  1. les valeurs guides, non contraignantes, déterminent un objectif de qualité de l’environnement sonore vers lequel on doit tendre pour obtenir une situation acoustique satisfaisante (il s’agit des valeurs édictées par l’OMS).
  2. les valeurs seuils, non contraignantes, sont les niveaux de bruit à partir desquels la situation acoustique des populations résidentielles est considérée comme préoccupante. Ces valeurs sont celles utilisées dans les instruments de gestion et de planification.
  3. les valeurs limites et normes, seules à être contraignantes quand elles sont inscrites dans un texte de loi (arrêté, ordonnance).

La presse a largement fait échos des risques pour l’audition auxquels s’exposent les festivaliers mais on parle plus rarement des nuisances pour les riverains. Or, les nuisances sonores perturbent fortement le repos, le sommeil, la santé et la vie sociale des riverains de ces événements. Les habitants subissent les nuisances sans les avoir voulues et ils sont présents en permanence, dès les essais de son, qui ont lieu plusieurs heures avant les concerts, contrairement aux festivaliers qui sont libres d’aller et de venir, de n’assister qu’à certains concerts, que certains jours ou de s’éloigner de la scène. Les habitants, eux, sont présents en permanence. On ne se rend pas compte de l’extrême violence de l’agression que représente pour les habitants et les commerçants l’intrusion que constitue la survenance, à l’intérieur même de leurs habitations et/ou locaux de travail, pendant de longues heures (jusqu’à douze heures consécutives, de nuit comme de jour) et au mois d’août pendant plus de dix jours d’affilée, de bruits insupportables pour l’organisme. Autour de la place Royale et de la Place des Musées, qui servent de scènes au Brussels Summer Festival, le bruit est amplifié par les façades des musées et le caractère minéral et encaissé des lieux. A tel point qu’en 2010 les Musées, qui craignaient pour la santé des collections, ont fait effectuer des mesures. Le problème est bien connu et non contesté mais plutôt que de limiter le nombre des concerts ou le volume sonore les pouvoirs publics multiplient au contraire les animations bruyantes en plein air.

De plus, mais ce n’est pas ici le propos, ces manifestations s’accompagnent systématiquement de la vente de boissons alcoolisées. Une étude récente met en relation l’augmentation de la consommation d’alcool avec l’augmentation du volume sonore15. Plus le corps est oppressé par le son plus le spectateur va rechercher les effets désinhibants et faussement apaisants de l’alcool. Là aussi les pratiques actuelles rentrent en contradiction avec les campagnes menées par les pouvoirs publics afin de lutter contre la consommation excessive d’alcool, en particulier chez les jeunes.

Les normes existent mais qui les respecte ?

Dans la Région de Bruxelles-Capitale, les nuisances sonores engendrées par la diffusion de musique amplifiée électroniquement sont encadrées par plusieurs textes de loi. L’ Arrêté royal du 24 février 1977 fixant les normes acoustiques pour la musique dans les établissements publics et privés stipule que « (…) le niveau sonore maximum émis par la musique ne peut dépasser 90 dB(A). Ce niveau sonore est mesuré à n’importe quel endroit de  l’établissement où peuvent se trouver normalement des personnes.» En outre : « Les établissements publics et privés dans lesquels est produite de la musique, doivent être aménagés de telle façon que le niveau sonore mesuré dans le voisinage: (…) 1° ne dépasse pas de 5 dB(A) le niveau du bruit de fond, quand celui-ci est inférieur à 30 dB(A); 2° ne dépasse pas 35 dB(A) quand le niveau du bruit de fond se situe entre 30 et 35 dB(A); 3° ne dépasse pas le niveau du bruit de fond, quand celui-ci est supérieur à 35 dB(A).»

Cet arrêté est satisfaisant. Il doit s’appliquer aux établissements temporaires en plein air. Si les événements se tenant dans les parcs publics se doivent de respecter les normes de bruit fixées par un Arrêté relatif aux bruits de voisinage, les manifestations se déroulant sur la voie publique semblent ne pas devoir s’y soumettre. En effet, ce même Arrêté ne couvre pas « les activités sur la voie publique autorisées en vertu de l’article 12, § 2, de l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain » ainsi que « les activités exercées sur la voie publique mentionnées a` l’article 11 de l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain »

Selon cette Ordonnance « Les bruits et tapages perpétrés sur la voie publique qui sont de nature à troubler la tranquillité ou la santé des habitants sont interdits entre vingt-deux heures et sept heures. » mais « (…) le bourgmestre peut autoriser les activités bruyantes qui présentent un intérêt artistique, social, folklorique, scientifique ou technique. » Le problème est que l’exception (est interdit ce qui est bruyant) devient la règle (on autorise tout ce qui est bruyant) car la Ville recherche et encourage les animations en plein air pour montrer à ceux qui en doutaient que Bruxelles est une ville qui bouge…

De même sont interdites la vente/distribution gratuite d’alcool sur la voie publique et le tapage après 22h00, « sauf dérogation expresse du bourgmestre », qui n’en rate pas une. Un jeu d’acteurs particulièrement pervers s’est mis en place : la Ville autorise, la police, bien que consciente du problème, ne peut rien faire parce que la Ville a autorisé, l’IBGE, dont la lutte contre le bruit est pourtant une des priorités, renvoie aux conditions du Règlement général de Police de la commune de Bruxelles, qui autorise.

C’est pas moi c’est l’autre : phénomène classique d’estompement de la norme par ceux même qui sont en charge de son application et cela en raison d’une absence de volonté politique, bien que le problème soit notoirement connu des autorité. Tant que la population subit et qu’il n’y a pas mort d’homme. Ce contexte rend difficile la constatation d’infractions éventuelles. Et quand bien même elles seraient constatées, les sanctions encourues ne sont nullement dissuasives puisque l’Ordonnance prévoit des amendes ne s’élevant qu’à 75€ maximum… Dans les parcs, en pratique tout est permis (aussi) En ce qui concerne les parcs publics, les normes établies par l’Arrêté de 2002 relatif aux bruits de voisinage sont d’application. Mais la constatation objective d’éventuelles infractions sur leur base n’est pas pour autant aisée.

Pour ce qui concerne les parcs gérés par l’IBGE, celui-ci fait signer une « Autorisation administrative d’occupation précaire d’un espace vert relevant de la Région de Bruxelles-Capitale », qui précise entre autres choses en son point 21: « Les prescriptions légales et réglementaires concernant la lutte contre le bruit et ses nuisances doivent être respectées lors d’émissions sonores. » Quelles sont ces prescriptions ? Celles de l’arrêté de 2002 sur le bruit de voisinage. Cela n’est pas précisé à l’organisateur… Interrogé par un riverain du parc du Cinquantenaire, le directeur du Comité d’autorisation de la Ville de Bruxelles lui-même dit l’ignorer. L’avis de la police est un peu plus volontariste en la matière car il ajoute à ce voeu pieux la mention « En tout état de cause, l’intensité de la musique ne peut donner lieu à des plaintes justifiées des riverains.» Qui va attester du caractère « justifié » des plaintes et comment?

De l’importance des constats pour objectiver la situation

Il faut faire faire des mesures et l’IBGE dispose de 6 agents seulement. Prière de prendre rendez-vous 4 à 6 semaines avant le début de l’événement ! Qui peut dire a priori que le son sera excessif car certains organisateurs sont plus soucieux des oreilles de leurs contemporains (et travailleurs) que d’autres ? La mesure du niveau sonore doit être réalisée selon des conditions très précises qui requièrent une compétence technique et un matériel coûteux à mettre en oeuvre, ce qui ne facilite pas le travail de la police en la matière. L’IBGE peut effectuer ce type de mesures suite aux plaintes éventuelles de riverains. Ainsi, un relevé effectué par l’IBGE chez un habitant du quartier du Cinquantenaire lors d’un concert dans le parc (tout à fait représentatif des événements s’y déroulant habituellement) ayant eu lieu du 4 au 5 septembre 2010 a mis en évidence une infraction significative aux normes fixées par l’Arrêté. Cela n’empêcha nullement l’IBGE de délivrer depuis des autorisations pour le même type de manifestations. Il y a aussi un manque de coordination flagrant. Interrogé par le même riverain du parc du Cinquantenaire, à deux reprises cette saison, la police dit n’être pas informée ( par la Ville) de la tenue des événements incriminés. Malgré ce constat, et malgré les nombreuses démarches effectuées par cet habitant auprès des différentes autorités, de telles manifestations continuent à s’y multiplier. Elles compromettent la vocation récréative et la sérénité qu’on est en droit de trouver dans les parcs. De nombreux Bruxellois ne disposent pas d’un jardin et viennent rechercher la quiétude dans les espaces verts afin de se soustraire quelque peu au stress de la vie actuelle. Où trouveront-ils le repos si même les parcs sont envahis de nuisances sonores ? A la campagne ? Est-ce le but recherché par la Ville ?

L’ARAU demande que l’IBGE mène une campagne de mesures pendant la durée du Brussels Summer Festival.
Les plans traduisent pourtant une « bonne volonté »

Les plans d’urbanisme

Le PRD de 2002 comporte un chapitre consacré à la réduction des nuisances sonores portant sur le bruit routier, ferroviaire et des avions20. Il reprend les recommandations de l’OMS sauf pour les habitations situées le long des axes routiers de moyenne et de grande importance. Le PRAS détermine 6 types de zones qui sont soumises à des normes différentes (il est bien évident que les zones d’habitation à prédominance résidentielle et les zones d’industrie urbaine ne sont pas soumises aux mêmes normes de bruit). Enfin, le PCD de la Ville de Bruxelles, approuvé en 2004, annonce une série de mesures telles que :

  • Prendre des mesures de lutte contre le bruit au parc du Cinquantenaire, ce qui atteste du caractère bien connu du problème;
  • Augmenter le nombre d’agents habilités à dresser un pv en matière d’environnement (bruit, déchets, …);
  • Mettre rapidement en oeuvre les mesures prévues dans le Plan Bruit. Soeur Anne, à ce jour, dans sa vie quotidienne, en voit rien venir…

Le Plan Bruit (2008-2013)

Succédant au plan de 2000-2005, il constitue le plan de prévention et de lutte contre le bruit pour la Région de Bruxelles-Capitale pour les années 2008-2013 : « Dans le souci d’améliorer l’environnement de tous ceux qui habitent ou travaillent sur son territoire, la Région estime que la réduction et la limitation de la pollution sonore doivent être poursuivies dans tous les domaines où l’agression par le bruit se fait sentir. » Il établit une liste de 44 prescriptions qui doivent permettre d’atteindre l’objectif annoncé. Parmi celles-ci, la 31ème, intitulée « Réglementer le bruit de la musique amplifiée » : « L’arrêté royal du 24 février 1977 fixant les normes acoustiques pour la musique dans les établissements publics et privés est inadapté :

  • à la musique actuelle (contenant beaucoup de basses fréquences) ;
  • aux normes de la Région en matière de protection des riverains ;
  • à l’isolation acoustique rencontrée en Région de Bruxelles-Capitale pour les établissements diffusant de la musique amplifiée.

La Région adoptera un nouvel arrêté relatif à la diffusion de musique amplifiée dans les établissements publics. (…)
La possibilité d’élargir ces dispositions à l’organisation de tous les grands événements ponctuels sera étudiée. »
Car c’est là que la bât blesse… Ce texte est en « préparation » depuis plusieurs années, il en est fait déjà mention dans un document de l’IBGE de 200522. L’IBGE refuse de communiquer sur la question, renvoyant au Cabinet Huytebroeck.
En Flandre et dans d’autres pays, le travail est bien plus avancé.

Des exemples à suivre ?

En Flandre, un projet de législation visant à établir des normes pour ce type d’événements a été proposé par la Ministre de l’Environnement, de la Nature et de la Culture Joke Schauvliege24. Trois catégories y sont définies en fonction du niveau de dB produit.
Niveau sonore maximal ≤ 85 dB(A) LAeq,15min
1. 85dB(A) LAeq,15min < niveau sonore maximal ≤ 95 dB(A) LAeq,15min
2. Niveau sonore maximal ≤ 100 dB(A) LAeq,60min
A chaque catégorie correspond une série de mesures devant être mises en place par les organisateurs (affichage du niveau de dB, distribution de bouchons d’oreilles, enregistrement obligatoire des mesures de niveau sonore, etc.). Malgré son caractère « permissif » (par 21 IBGE, Prévention et lutte contre le bruit et les vibrations en milieu urbain en Région de Bruxelles-Capitale, Plan 2008-2013. rapport à l’AR de 1977 qui prévoit un plafond fixé à 90 dB(A)), ce projet a rencontré l’opposition du secteur de la musique qui s’est notamment traduite par la mise en ligne d’une pétition25 et par la publication d’une réaction26 dénonçant les normes proposées comme inatteignables et plaidant pour l’établissement de la limite maximale à 103dB(A), ce qui correspond à un doublement du niveau de bruit27 ! Un compromis a finalement été trouvé : la limite est maintenue à 100 dB(A) mais la mesure s’effectuera sur une durée de 60 minutes au lieu des 15 initialement prévues. Cette réglementation, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2012, ne se verra toutefois pas accompagnée de sanctions avant 2013. La ministre a reçu en 2011 pour cette initiative le 2eme prix des « Chefs d’oeuvre » délivrés par la Ligue des Usagers de la Culture.

En France, une proposition de loi a été récemment déposée (le 9 mars) visant à limiter le niveau sonore lors des concerts en lieux ouverts et à mettre en place une série de mesures de prévention et d’information destinées au public à l’instar de l’affichage du niveau de bruit. Au Québec, le Regroupement québécois contre le bruit (RQCB), consacre une partie de son action à la lutte contre la pollution sonore causée par les spectacles en plein air. Il résume de manière très claire la position qu’il défend et que l’ARAU rejoint : « Loin de nous l’idée de dénoncer toute manifestation culturelle en plein air. Fêter, festoyer a sa place dans l’espace collectif. Il y a lieu néanmoins de poser un certain nombre de questions quant à la pollution sonore résultant d’un certain nombre de spectacles tenus à l’extérieur. » Ce type d’initiative commence à trouver écho auprès des pouvoirs publics puisque l’arrondissement Ville-Marie de Montréal «prend les mesures nécessaires pour assurer une cohabitation harmonieuse au centre-ville »30 en veillant, notamment, à réduire le nombre d’événements sonorisés sur le domaine public. Tout le contraire de la politique événementielle pratiquée par la Région et la Ville de Bruxelles qui trouve pourtant son inspiration à Québec !

La marchandisation de la ville et des espaces verts : à qui profite-t-elle ?

La Région de Bruxelles-Capitale s’est dotée en 2007 d’un Plan de Développement International (PDI) qui entend renforcer l’attractivité internationale de Bruxelles. Ses « lignes de force » sont les suivantes :

  • Bruxelles et l’Europe, l’Europe à Bruxelles
  • Bruxelles : le rendez-vous international
  • Bruxelles, bouillon de culture
  • Bruxelles et le commerce
  • Bruxelles : les loisirs toute l’année

Loisirs, culture et développement économique, jadis considérés comme antinomiques, sont ainsi intimement liés dans le but de concourir à l’attractivité du territoire. La culture et les loisirs sortent du champ individuel et privé pour devenir des outils au service du développement économique : « En plus de contribuer au prestige et à l’attractivité de Bruxelles, le secteur des loisirs participe de manière évidente au développement économique de la Région. »31. Et d’annoncer la création de grands équipements d’inspiration consumériste. Ces intentions s’inscrivent clairement dans une optique d’attractivité externe et de masse et sont susceptibles d’entrer en contradiction avec les légitimes aspirations des habitants.

Le PDI identifie également plusieurs « zones stratégiques ». Parmi celles-ci figure le Quartier du Mont des Arts. Les projets de la Région et de la Ville pour ce quartier s’inscrivent dans le droit fil du dessein de Léopold II : en faire la vitrine culturelle de Bruxelles, quitte à négliger le volet « logement ». Depuis des décennies, l’État y consolide en effet son « zoning culturel » : installation du MIM, restauration, agrandissement et métamorphose sémantique du Palais des Beaux-Arts, des Musées Royaux des Beaux-Arts, du Musée de la Dynastie, ouverture du Musée Magritte dans le bâtiment anciennement réservé aux expositions temporaires, etc. La Région elle-même y a créé un lieu d’accueil et de promotion à vocation internationale, le BIP (Brussels Info Place).

Pourquoi pas si cette démarche s’accompagnait de l’entretien et de l’aménité de l’espace public32 et de la consolidation de l’habitat… Mais la Région et la Ville de Bruxelles a décidé de consacrer les espaces publics du haut de la ville aux activités commerciales et culturelles. Promues au nom du tourisme et de l’attractivité internationale de Bruxelles car il s’agit de « vendre la destination » elles sont aussi des manifestations à caractère purement électoralistes puisqu’elles s’adressent d’abord aux Bruxellois (ceux qui n’habitent pas sur place). La Ville délivre à tour de bras des autorisations permettant l’organisation d’événements (quand elle ne les organise pas elle-même). Ces manifestations, par leur nombre et les nuisances qu’elles provoquent, compromettent l’habitabilité de toute cette partie de la ville. Pourtant, l’habitat est le fondement de la ville et son développement est au coeur du discours politique. Comment comprendre que les mêmes responsables politiques multiplient dès lors les initiatives qui font fuir les habitants ? Ces événements ne bénéficient pas à ces derniers mais bien aux « marchands de décibels » qui profitent d’une ville instrumentalisée devenue « décor de prestige » et « espace publicitaire géant».

Conclusion

La dangerosité de la pollution sonore ne fait pas débat. Si les divers études et plans la reconnaissent, la situation sur le terrain ne traduit toutefois pas cette prise de conscience. Face à la multiplication des événements recourant à la musique amplifiée, les moyens mis en place pour la prévention et le contrôle des nuisances sont insuffisants. Et ce n’est pas une législation inadaptée à la situation actuelle et difficilement compréhensible (tant pour les organisateurs de concerts que pour les « contrôleurs ») qui pourra résoudre ce problème. Les riverains des événements ne sont pourtant pas demandeurs qu’on légifère car il sera à peu près certain que cela sera en faveur d’une régression, tant le city marketing est à la mode. Ils veulent que la législation actuelle soit appliquée et que le nombre des concerts en plein air et le volume sonore soient diminués, au nom de la santé des riverains comme des participants. Les habitants ne sont pas contre tout tout le temps et partout mais sans réelle volonté politique, et tant que les riverains de ces « salles de concert à ciel ouvert » verront leur vécu dénié, la situation ne risque pas de s’améliorer… et les habitants continueront à fuir ces quartiers.

Certes, on compte quelques déclarations de responsables politiques comme celle de Philippe Close, échevin du tourisme de la Ville de Bruxelles, à propos du Brussels Summer Festival dont il est l’instigateur : « Le Summer Festival a donné lieu à de longues discussions sur la problématique des nuisances sonores, avec les Musées royaux, le Temple protestant, l’ensemble des institutions de la zone et les riverains. Je rappelle que les animations du Summer Festival se terminent toujours avant minuit, contrairement à la Fête de la Musique. »

Or, si l’on consulte le programme de cette année, on constate que des concerts commencent Place des Palais à 23h00 (sans tenir compte d’éventuels retards). On imagine dès lors qu’il sera difficile de respecter cet engagement. De plus, les habitants s’interrogent face à l’ampleur du dispositif prévu cette année.

La qualité de vie, le droit au sommeil et à la santé des victimes de ces nuisances à répétition doivent être respectés ! Même en l’absence d’une législation plus claire et volontariste, des solutions peuvent d’ores et déjà être mises en place en limitant le nombre de manifestations, en baissant le son et en les répartissant sur l’ensemble du territoire de la Région35 dans des lieux offrant moins de réverbération. Mais délocaliser le BSF n’est cependant pas concevable si il s’agit de reporter les nuisances sur d’autres habitants. C’est pourquoi il faut avant tout obtenir des organisateurs des événements qu’ils baissent le son, et, à cette fin, organiser des mesures.

Mais il ne faut pas perdre de vue que ce problème ne pourra être efficacement traité sans la volonté politique permettant de mettre en place des moyens suffisants alloués à la prévention mais surtout au contrôle des nuisances. En effet, toujours selon le spécialiste Daniel Léon : « Je suis mixeur depuis 1973, et j’ai 4000 concerts au compteur. Je n’ai jamais vu quelqu’un arriver avec un sonomètre alors que la loi en Belgique prévoit un niveau maximum de 90 DB. Les Suisses, par exemple, sont à 96 DB, mais le contrôle est omniprésent. Si on dépasse, le concert est interrompu. Mettre toutes les limites cela ne sert à rien s’il n’y a pas sanction. Cela dit, le sujet est tabou. »36 car les festivals sont promus par les politiques, au mépris de la législation, des plans et des politiques de santé publique.

Les Bruxellois demandent donc :

  • qu’on baisse le son ;
  • à court terme, que l’IBGE effectue des mesures pendant toute la durée du Brussels Summer Festival et que les moyens de contrôle soient renforcés considérant la multiplication des événements ayant recours à l’amplification électronique sonore;
  • que l’arrêté de 1977 et celui de 2002 soient appliqués : le volume sonore limité à limité à 90 db, y compris à l’extérieur, et que les dispositions légales, contrôle compris, soit rendues opérationnelles ;
  • La Ville et l’IBGE doivent cesser de délivrer des autorisations pour des événements ayant recours à l’amplification électronique sonore en milieu habité, en voirie comme dans les parcs ;
  • La Ville de Bruxelles doit délocaliser le Brussels Summer Festival comme l’a promis l’échevin Close en 2010 et en 2011 (suite à l’émission Taratata) car le site du Mont des Arts n’est pas adapté ;
  • l’IBGE doit cesser de délivrer des autorisations pour des événements ayant recours à l’amplification électronique sonore dans les parcs qui sont des lieux de repos en milieu urbain ;
  • le Cabinet Huytebroeck doit donner des instructions en ce sens à l’IBGE et la Région doit se faire entendre des communes…et de plus grosse d’entre elles pour commencer.

Contact : Isabelle PAUTHIER, 02 219 33 45, 0477 33 03 78

ANNEXE

Liste des événements établie par les riverains de la place Royale pour 2010-2011 Les événements en rouges sont considérés comme particulièrement nuisibles au niveau sonore. En effet, les nuisances commencent en général en début d’après-midi, voir en fin de matinée avec les « sound check », ce qui veut dire que pour la période du 12 au 27 août 2010, nous n’avons droit à aucun repos, sans parler du stress et, bien sûr, aucun sommeil réparateur sur une période de 15 jours consécutifs ! (avec une moyenne de 12 heures de nuisances sonores par jour).

En 2011, la plupart des « petits » événements, n’ont plus eu lieu (Tea-time, Piknik Electronik, avec un seul Apéro Urbain au Parc), c’est déjà un mieux, mais ils n’étaient pas les plus nuisibles, nous restons toujours avec les insupportables 15 jours d’août, le BSF déclare haut et fort (c’est le cas de le dire) 10 jours de musiques dans 5 lieux (Place des Palais, Mont des Arts, Place du Musée, Place Royale et le Parc de Bruxelles). Ces concerts se prolongent dans un café de la rue Borgval (qui comprend quand même une maison dite de repos… ) jusqu’à 4h30 du matin… Et les 5 jours suivants, nous avons droit aux concert de BOTERHAMMEN IN HET PARK + FEEËRIEËN.

7 mai 2010
LA NUIT DES LUMIERES = 1
Place des Palais de 17 à 02 heures > soundcheck à partir de 13 heures

8 et 9 mai 2010
FETE DE L’IRIS = 2
Place des Palais, Place du Musée de 17 à 24 heures

20 juin 2010
FETE DE LA MUSIQUE = 1
Place des Palais de 17 à 01 heures

1 juillet
FETE À L’AMBASSADE USA = 1
Parc de Bruxelles de 15 à 22 heures

17 juillet 2010
TEA TIME = 1
Parc de Bruxelles de 16 à 24 heures

21 juillet 2010
FETE NATIONALE
Parc de Bruxelles de 16 à 24 heures

le 21 juillet les nuisances sont moins importantes (autre type de matériel, de musique ou de réglages) ce qui
prouve que l’on peut faire la fête sans nuisances .

25 juillet 2010
PIK NIK ELECTRONIK = 1
Parc de Bruxelles de 16 à 22 heures

31 juillet 2010
TEA TIME = 1
Parc de Bruxelles de 16 à 24 heures

5 août 2010
APÉROS URBAIN = 1
Parc de Bruxelles de 17 à 23 heures

12 août 2010
PICNIC EUROTASTIC = 1
Parc de Bruxelles de 12 à 16 heures

13 août 2010
APÉROS URBAIN = 1
Place du Musée de 17 à 23 heures

12 au 22 août
BRUSSELS SUMMER FESTIVAL = 10
Place des Palais, Place du Musée, Parc de Bruxelles de 17 à 24 heures

23 au 27 août
BOTERHAMMEN IN HET PARK + FEEËRIEËN = 5
Parc de Bruxelles de 12 à 24 heures

11 et 12 septembre :
FETE DE LA BD = 2

Place Royale de 12 à 23:30 heures
18 septembre

JOURNEE SANS VOITURE
s’accompagne aussi de musique électronique à certains moments/endroits
Total été 2010
3 en mai
1 en juin
4 en juillet
18 en août
3 en septembre
29 jours de nuisance sur 4 mois, dont 15 jours d’affilé en août
2011

Samedi / dimanche 7 & 8 mai 2011
FETE DE L’IRIS = 2
Place des Palais, Place du Musée de 17 à 24 heures

Vendredi 27 mai 2011
APÉROS URBAIN = 1
Parc de Bruxelles 17 à 2 heures

21 + 22 juin 2011
FETE DE LA MUSIQUE + émission TARATATA = 2
Place des Palais de 17 à 01 heures

21 juillet 2010
FETE NATIONALE = 1
Parc de Bruxelles de 16 à 24 heures
le 21 juillet les nuisances sont moins importantes (autre type de matériel, de musique ou de réglages) ce qui
prouve que l’on peut faire la fête sans nuisances mais cette année il y a eut des essais de son pénibles la veille.

12 au 21 août 2011
BRUSSELS SUMMER FESTIVAL = 10
Place des Palais, Place du Musée, Parc de Bruxelles de 17 à 24 heures

13
22 au 26 août 2011 = 5
BOTERHAMMEN IN HET PARK + FEEËRIEËN = 5
Parc de Bruxelles de 12 à 24 heures

Total été 2011
3 en mai
2 en juin
0 en juillet
15 en août
20 jours de nuisance sur 4 mois, dont 15 jours d’affilé en août et sans préjuger du mois de septembre

Relevé – partiel – des événements problématiques par les riverains du Parc du Cinquantenaire

13 septembre 2009
Electropicnic

4 et 5 septembre 2010
Summer peace Reggae Bus

Dimanches 19 juin, 3 juillet et 14 août 2011
Garden Party

19 et 26 juin 2011
Play New Concept Festivaria

16 et 17 septembre 2011
Fête colombienne « Colomb village »

7 août 2011
Annoncés pour tous les dimanches du mois d’août et de septembre « jam in parc »