Le PRDD démasqué : un territoire asservi plutôt qu’un projet de ville

Le PRDD démasqué : un territoire asservi plutôt qu’un projet de ville

Plus de 7 ans après son lancement, le projet de Plan Régional de Développement Durable (PRDD) atteint (enfin !) le stade de l’enquête publique : les Bruxellois peuvent donc se prononcer, jusqu’au 13 mars, sur ce plan qui « a pour ambition de faire de Bruxelles une Région plus attrayante, plus inclusive sur le plan social, plus compétitive sur le plan économique, plus accessible et mobile, plus créative, plus verte et efficace dans l’utilisation de l’énergie et des ressources ». Qui pourrait contredire de tels objectifs ?

C’est dans le cadre de cette enquête publique que l’ARAU publie cette analyse du projet de PRDD. Celle-ci n’a pas pour ambition d’être exhaustive mais se concentrera sur les aspects les plus problématiques du projet quant au « fond » (régression dans certaines ambitions, propositions irréalistes, choix contraires aux objectifs de durabilité…) et tentera de dégager quelques éléments transversaux permettant d’appréhender le projet d’une manière plus globale sur sa « forme » (opérationnalité des mesures, outils d’évaluation, impressions de déjà-vu…).

Plan de l’analyse

  • À quoi sert le PRDD ? Comment le projet a-t-il été élaboré ?
  • Des objectifs durables ?
  • Un PRDD en panne d’essence
  • Conclusion : des promesses non tenues, mais le projet de PRDD peut encore être amélioré

Lors du lancement du projet en 2009, le Gouvernement faisait de nombreuses promesses à propos du PRDD, à commencer par celle du caractère durable du développement régional. À l’examen du texte, de nombreux éléments remettent en cause cette promesse : objectifs de diminution de la « pression automobile » revus à la baisse, politique de stationnement trop limitée, perspectives de construction de tours, maintien et rénovation des tunnels, tendance à la « monofonctionnalisation » des « pôles », etc.

Une autre promesse importante était que l’élaboration du PRDD se ferait selon une approche « bottom-up » participative. Dans les faits, le projet de PRDD semble plutôt avoir été dicté par une logique « outside-inside » : de nombreux projets et objectifs sont en effet marqués du sceau des impératifs « extérieurs » qui s’imposent à la Région, à commencer par ceux des deux autres et du Fédéral, sans oublier la pression des lobbies automobile ou de la promotion immobilière. Un plan de développement pour Bruxelles doit composer avec la dimension métropolitaine, c’est un fait. Mais cela ne doit pas se traduire par un assujettissement à des desideratas extérieurs incompatibles avec le développement d’une Région durable (maintien de l’accessibilité automobile, réseau de transports en commun orienté vers la navette, soumission aux projets flamands d’élargissement du ring) ni par des projets dont la seule raison d’être est de concurrencer ceux qui se développent au-delà de la frontière (centre commercial Neo pour contrer Uplace, nouvel axe tertiaire le long du boulevard Léopold III pour contrer/compléter les parcs de bureaux situés aux abords de l’aéroport). Le projet de PRDD appelle à « un fédéralisme de coopération mature » (p. 122) et voit dans la communauté métropolitaine un moyen d’y accéder. Il s’agit là, au mieux, d’un vœu pieux. Au pire, d’une manière de pouvoir se dédouaner d’un futur échec : « c’est pas moi, c’est les autres ». Bruxelles dispose pourtant des moyens lui permettant d’agir en fonction de ses intérêts, de ceux de ses habitants.

La Région doit agir avec ses moyens, avant tout au bénéfice de ses habitants

Même si le projet de PRDD fait pour l’instant fausse route, il est encore temps de rectifier le cap, c’est le but de l’enquête publique en cours. Bruxelles et ses habitants méritent mieux qu’un plan de légitimation des « coups partis » ; le PRDD doit changer d’approche et fixer des objectifs environnementaux plus pertinents et plus innovants qui permettront de justifier l’épithète audacieuse de « durable ». La Région ne doit pas céder aux exigences du marché, des lobbies, des autres régions, ni vouloir à tout prix entrer dans le jeu de la concurrence internationale à coups de mégaprojets et de skyline de tours. Le Gouvernement devrait faire l’exercice intellectuel inverse, « small is beautiful », car c’est la dimension humaine et conviviale de Bruxelles qui séduit durablement ses habitants comme les étrangers.