Bénédiction d’un écocide urbain au Sablon, au nom du «bon aménagement des lieux» ?

Bénédiction d’un écocide urbain au Sablon, au nom du «bon aménagement des lieux» ?

Ce 25 octobre, la Commission de Concertation rendait un avis positif (sous conditions) sur le projet Lebeau. Un avis qui ne prend pas la mesure de la très forte mobilisation associative et citoyenne qui s’est manifestée lors de la réunion publique et qui balaie un peu trop vite la centaine de réactions récoltées lors de l’enquête publique.

Aux côtés de 118 autres réclamants, l’ARAU y avait affirmé son opposition au projet en insistant sur :

  • L’opacité dans l’élaboration des projets successifs (au sein de « workshops » sans comptes-rendus) ;
  • Le bilan carbone désastreux d’une telle opération de démolition-reconstruction, que rien ne justifie ;
  • Un très mauvais programme, qui ne répond pas en rien aux besoins actuels de la ville (augmentation de la proportion de bureaux par rapport au projet de 2020, aucun logement abordable… mais plus de chambres d’hôtel que de logements !) ;
  • L’incongruité pour ne pas dire l’absurdité d’un nouveau parking de 190 places en plein centre-ville, dans un quartier où les parkings publics ne manquent pas… et dans un contexte que l’on croyait plus volontariste en matière de réduction de la pression automobile.

Cette position de l’ARAU comme celle des nombreux autres réclamants allaient dans le sens du rapport d’incidences environnementales dont les données plaidaient clairement en faveur de la rénovation des bâtiments rue Lebeau : des immeubles en parfait état, tout à fait exploitables et même convertibles en logements. L’absence de caves et la (trop grande) hauteur sous plafond des bâtiments actuels ne sauraient être sérieusement invoquées pour contrecarrer l’option d’un projet à partir de l’existant, d’autant moins dans un contexte de crise environnementale. Or c’est bien sur base de tels prétextes architecturaux fallacieux que le projet de démolition a visiblement pris ses aises dans des négociations et se retrouve, in fine, défendu dans l’avis tout à fait déconcertant de la commission de concertation.

Périmètre des démolitions de la 2e version du projet

 

Notons une rhétorique pour le moins trompeuse, relevée lors de la réunion publique : frileux quant à l’utilisation du terme « démolition », l’avocat d’Immobel a préféré parler de « démontage des bâtiments ». Problème : aucune info n’a encore fuité sur le lieu où ils seront remontés… Affaire à suivre !

Mais d’autres arguments viennent alors au secours de l’effondrement : la nécessité de « réactiver » les rez-de-chaussée des bâtiments rue Lebeau avec des nouveaux commerces (la déshérence commerciale du Sablon est bien connue…) mais aussi l’opportunité de supprimer le stationnement automobile place du Grand Sablon grâce au nouveau parking public du projet. Ce dernier récit mobilisant une perspective de requalification de l’espace public ne tient pas la route :

  • nul besoin d’imaginer une compensation des places de stationnement à supprimer en surface dans le quartier : à l’heure de « GoodMove » cela n’a aucun sens ;
  • les parkings publics alentours offrent suffisamment de places disponibles, et rappelons que c’est par la réduction de la capacité de stationnement que l’on parvient à réduire globalement la pression automobile sur la ville… ;
  • en outre, comment oser défendre qu’un projet de démolition d’une telle ampleur et un chantier si long soient de nature à améliorer le cadre de vie du quartier ?

Par la faiblesse de ces argumentaires, les considérations de l’avis de la commission de concertation ne peuvent conclure sur les enjeux environnementaux ou programmatiques. De ce fait, l’avis se termine par une invocation floue, celle du « bon aménagement des lieux ». De quoi surprendre et inquiéter quand on connaît les intentions derrière la révision du règlement régional d’urbanisme, visant à offrir aux autorités une plus grande marge d’appréciation subjective des projets…

 

Si le « bon aménagement des lieux » permet aujourd’hui de justifier des projets démesurés de démolition et des fonctions ne répondant pas aux besoins de la ville habitée, la vigilance doit rester de mise.

Ce projet hyper conservateur réactive un modèle de développement immobilier périmé, duquel les autorités régionales doivent s’affranchir. Si la Région décidait de suivre cet avis, elle irait clairement à l’encontre de ses engagements environnementaux et démocratiques. Et l’ARAU souhaite aussi rappeler à Pascal Smet une autre de ses ambitions, la reconnaissance et valorisation du patrimoine architectural d’après-guerre… Que les bâtiments de la rue Lebeau soient intégrés à cet inventaire !