Moins gourmand en termes de surface au sol que ses prédécesseurs, le projet HOP4 ne peut toutefois qu’être considéré comme incomplet, dans la mesure où il ne tire pas parti des atouts et des qualités de ce site exceptionnel. L’ARAU invite la Régie foncière de la Ville de Bruxelles à revoir ses plans pour proposer un projet plus ouvert sur le quartier, garantissant accès, usages et traversée du site.
Ancienne pépinière du Domaine royal, le site du Donderberg constitue un espace naturel d’une très grande richesse, et un bien commun dont profitent les habitants du quartier. Depuis 2013, la Régie foncière de la Ville a déjà déposé quatre projets (dont HOP4 est le dernier né) pour la construction d’une école et de logements sur le site. Si les premiers prévoyaient la construction de trois, puis de deux barres de logements (75 puis 49 unités) en plus d’une école fondamentale de 672 élèves, HOP4, quant à lui, ne comprend, en sus de ladite école, plus que 8 logements, implantés à front de la rue des Horticulteurs.
Malgré une emprise moins large sur le site que ses ancêtres, le projet HOP4 constitue toutefois une menace pour l’accessibilité et la jouissance du site pour tous les Bruxellois. En effet, afin de permettre la construction de l’école, la Ville a soumis à enquête publique (terminée ce 25 février) la suppression de deux chemins vicinaux (n°14 et n°29) et d’un sentier vicinal (n°71). S’il est vrai qu’ils sont difficilement repérables pour le visiteur non-aguerri, certains d’entre eux sont pourtant toujours empruntés par les riverains.
Les chemins et sentiers vicinaux constituent pourtant un patrimoine à part entière mais qui, à l’échelle régionale, tend à disparaitre, à chaque fois qu’un projet est « gêné » par leur présence. Ils font partie des voies publiques les plus anciennes et témoignent ainsi de l’évolution des pratiques de circulation et des cheminements. Ils donnent une lisibilité au territoire : les supprimer (au lieu de les réhabiliter), c’est ôter au site une partie de sa profondeur historique :
Certes, la Ville entend créer de nouveaux accès à la future école. On peut se demander pourquoi il n’a pas été envisagé de (re)penser le projet en vue de réhabiliter les sentiers existants au lieu de les supprimer. D’autre part, et par définition, les sentiers vicinaux font partie de l’espace public et sont donc accessibles à toute heure, pour tous, sans restriction aucune. Il est permis de douter que ça soit le cas des voies d’accès prévues par le projet, qui seront sans doute fermées en dehors des heures scolaires.
À l’heure actuelle, le site est en effet régulièrement fréquenté par les riverains ; les enfants y construisent des cabanes et jouent au football (quand les ronces ne sont pas trop envahissantes), des familles y font des pique-niques à la belle saison. L’importance d’un tel espace vert pour la qualité de vie en ville n’est plus à démontrer.
Les plus sceptiques rappelleront toutefois la présence proche de nombreux autres parcs et jardins (Jardin du Fleuriste, Jardin Jean Sobieski, parc de Stuyvenberg, etc.). Or la préservation de ces chemins vicinaux – ou, à tout le moins, la conservation de cheminements traversant le Donderberg – permettrait justement d’offrir des parcours agréables aux habitants des quartiers environnants (notamment le quartier Bockstael, très dense) vers ces différents espaces verts, mais aussi vers le parcours de la Promenade verte. D’autant plus que le projet avait déjà été évoqué par Bruxelles Environnement, dans le cadre du renforcement du maillage vert, dans le cadre de l’élaboration du projet de PRDD en 2014. Il était notamment question de (re)créer une continuité entre le quartier Bockstael, le Parc de la Senne et le Jardin du Fleuriste.
Ce patrimoine de sentiers et de chemins n’est, en effet, pas figé : il est important de le maintenir, mais aussi de l’enrichir. On rappellera aussi la politique régionale de revalorisation des voies lentes, qui s’applique particulièrement au cas considéré :
Les chemins vicinaux constituent donc globalement un patrimoine en péril… à moins que les communes sur lesquels ils se trouvent en fassent un atout… et les revalorisent ! C’est par exemple le cas à Haren, ce qui démontre l’incohérence dans le traitement que la Ville de Bruxelles semble réserver à son patrimoine vicinal : en 2018, les chemins et sentiers vicinaux de Haren avaient fait l’objet d’un inventaire et d’une revalorisation, dans le but de leur rendre leur visibilité et de favoriser leur usage, et, en 2010, le Schéma Directeur de Haren avait aussi pointé l’importance de ce patrimoine de chemins et sentiers, et l’attachement des riverains à ceux-ci :
Pourquoi un tel travail, d’autant plus bénéfique dans des quartiers plus centraux et denses, ne pourrait pas être fait à Laeken, au profit des habitants ?
De manière générale, on remarquera que ce patrimoine est, à Bruxelles, fort méconnu. En Wallonie et en Flandre, il existe des organismes chargés de la promotion de la marche à pied (respectivement Tous à pied et Trage Wegen) qui, en plus d’effectuer un important travail pédagogique, participent activement à la revalorisation et au maintien des chemins et sentiers vicinaux. A l’heure actuelle, il n’existe pas d’équivalent à Bruxelles. Le lancement prochain de la plateforme Walk.Brussels, impulsée par Tous à pied, devra combler cette lacune… En attendant, il est difficile, à l’échelle régionale, de savoir à qui s’adresser pour tenter de défendre ces chemins et sentiers.
Le projet HOP4, comme ses prédécesseurs, a donc été conçu par la Ville sans tenir compte des atouts et des caractéristiques du site, notamment sa richesse paysagère et biologique et son appropriation par les riverains. Ces aspects doivent être pris en compte dans le développement des projets futurs : il convient de garantir l’accès au site et sa jouissance par tous les Bruxellois. Cela passe par le maintien des chemins vicinaux et le développement d’un réseau de voies lentes destinées à mettre le site en communication avec les quartiers et les parcs environnants.
L’ARAU demande à la Ville de rompre radicalement avec les principes qui ont guidé le développement des premiers projets HOP et de proposer un plan basé en premier lieu sur les qualités du Donderberg : on ne rappellera jamais assez l’importance, dans tout projet urbanistique, de partir de l’existant. La mouture actuelle du projet HOP, moins dense que les précédentes, devrait permettre de prendre réellement en compte le site pour lui-même, et pas seulement comme le support d’un projet qui aurait très bien pu trouver sa place ailleurs.