Le Wittouck dénudé et relooké

Le Wittouck dénudé et relooké

La fin du calvaire ? ou un hôtel de maître…-esclave de son affec(ta)tion commerciale ? Retour sur une histoire bruxelloise.

Le chaland peut se demander ce qui se cache derrière la bâche boulevard de Waterloo, n°20-21. Ces travaux marquent l’aboutissement, peut-être provisoire, d’une dialectique dans laquelle le commerce, nouveau maître des lieux depuis 2004, prend de l’ampleur au détriment des logements, et cela grâce à 3 permis distincts… qui ne donnent que difficilement une vision globale et transparente des projets de rénovation.

Contexte

L’installation de la marque américaine Abercrombie & Fitch à Bruxelles replace sur le devant de la scène l’hôtel Wittouck (construit en 1875), boulevard de Waterloo. De manière improbable, l’intérêt historique du site refait surface… en étant valorisé pour le marketing du nouveau méga-store connu pour ses implantations luxueuses. La façade originelle réapparaît, alors que le GAF (Geste Architectural Fort) d’Édouard François, qui date d’à peine 5 ans, disparaît (« effet aquarium » des vitrines). Ce geste architectural plus éphémère que fort apparente plutôt les péripéties de la rénovation à un gag surréaliste.

Derrière cette façade de réhabilitation à laquelle on assiste depuis les travaux de cet été, se cache un nouveau changement d’affectation, accordé par le permis du mois de mai dernier, qui relègue toujours un peu plus les logements. C’est par ailleurs la « plus importante transaction « retail » de l’année 2011 comme l’a annoncé récemment fièrement le courtier Jones Lang LaSalle. Dans un tel contexte l’hôtel de maître Wittouck de Medem mérite une analyse rétrospective, ce que propose l’ARAU pour mettre en relief une fable urbaine à la morale peu glorieuse…

Plan de l’analyse

  1. Rénovations du Wittouck : hauts-faits d’une épopée boulevard de Waterloo
  2. Les logements toujours plus hauts – évolution des affectations
  3. La façade démontable : un jeu de construction en plein air
  4. Abercrombie & Fitch : une enseigne soucieuse du patrimoine ?

Conclusion

La Région semble percevoir aujourd’hui le potentiel d’attractivité du patrimoine Art Nouveau. Percevra-t-elle un jour le point d’ancrage que peut constituer le patrimoine pour son image, son identité, son attractivité, et l’adhésion de sa propre population à son projet de ville ? C’est une multinationale américaine qui, aujourd’hui, donne une leçon aux pouvoirs publics bruxellois, sur la valeur et le potentiel d’attractivité d’un hôtel de maître.

Les pouvoirs publics ont voulu sacrifier ce patrimoine pour complaire à une demande éphémère et volatile. Le Wittouck doté de ses deux aquariums n’a jamais trouvé preneur et a alimenté la réputation de bruxellisation. La restitution de la façade par une enseigne dédiée aux jeunes démontre que le patrimoine n’est pas par définition ringard, mais, au contraire, source d’identité. Aux pouvoirs publics la responsabilité d’en imposer la protection dans l’attente d’un client qui sache s’associer à la valorisation qu’il apporte. Le collège de la Ville de Bruxelles avait initialement proposé le classement de l’intégralité du Wittouck en 2001. La Région (Willem Draps) a refusé de suivre la Ville en 2001 ainsi que les associations qui ont renouvelé la demande en 2003. Mal lui en a pris car cette saga aurait pu être évitée et la façade serait aujourd’hui authentique (et non restituée).