Les fondations du projet de métro 3 s’effondrent !

Les fondations du projet de métro 3 s’effondrent !

Prévisions de fréquentation en chute libre, budget initial explosé, bilan carbone catastrophique : ces nouveaux éléments doivent amener la Région à enterrer définitivement le projet de métro 3. Le poursuivre relève de l’irrationnel mais surtout de l’irresponsabilité : la demande de permis doit être refusée.

[remarque préliminaire : le texte qui suit est une synthèse de l’avis rendu dans le cadre de l’enquête publique sur la demande de permis pour la partie « nord » du projet de métro 3 ; pour une vision détaillé (chiffres, graphiques, références, etc.), consulter l’avis complet]

Depuis maintenant près de 10 ans que l’ARAU suit de près le développement du projet de métro 3, de nombreux éléments remettant en cause son opportunité, et mettant en lumière les conséquences néfastes qu’il aurait s’il était mis en œuvre, se sont accumulés :

  • Coût exorbitant qui porterait un coup très dur aux finances régionales, et qui mettrait en péril de nombreux autres projets (pas seulement en matière de mobilité) ;
  • Chantiers pharaoniques s’étalant sur de longues années, au détriment de la qualité de vie des habitants et menaçant l’existence (la survie) de l’activité commerciale (ce qui s’observe en ce moment-même du côté de l’avenue de Stalingrad avec la construction de la station « Toots Thielemans ») ;
  • Réorganisation du réseau de la STIB au détriment de nombreux usagers : correspondances supplémentaires, temps de parcours allongés, baisses de fréquences, difficultés d’accès aux stations très profondes, etc. ;
  • … tout cela pour un effet quasi nul sur la diminution du trafic automobile !

3 éléments nouveaux, mis en évidence par l’étude d’incidences et par le débat autour de la question du financement, remettent en cause le fondement même du projet de métro 3.

1. Des prévisions de fréquentation en chute libre : si le gouvernement avait disposé de l’étude d’incidences en 2009, l’option du métro aurait tout simplement dû être écartée

L’étude d’incidences a mis en évidence que les prévisions de fréquentation ont été outrageusement « gonflées » dans l’étude initiale du Bureau Métro Nord (2012). C’est sur cette base biaisée que le gouvernement a pris la décision de poursuivre le projet de métro 3. Les prévisions actualisées ont fortement revu à la baisse la fréquentation attendue, sous le seuil au-delà duquel le gouvernement avait jugé opportun de créer cette ligne de métro !

En outre, ces prévisions actualisées ne tiennent pas compte des dernières projections démographiques (près de 10 % en-dessous de celles utilisées dans l’étude d’incidences) ni des effets de la pandémie (ex : boom du vélo, recours étendu au télétravail). En prenant en compte ces deux éléments, la fréquentation attendue justifie encore moins le choix du métro.

L’alternative d’amélioration du tram 55 (qui, pour rappel, serait supprimé en cas de mise en service du métro) doit donc plus que jamais être très sérieusement envisagée. Sa capacité peut être facilement augmentée par l’utilisation de trams plus grands (+ 40%) et par l’augmentation de ses fréquences. Le tram offre également des temps de parcours comparables, voire meilleurs que ceux du métro, pour les trajets moyens et courts. En effet, le projet de métro propose moitié moins de stations que d’arrêts actuels du tram 55, ce qui rendrait les temps de marche plus longs pour les usagers. En outre, la grande profondeur de ces stations (jusqu’à 30 mètres !) rallongerait encore plus ces temps de marche.

Il est primordial de rappeler que la question de la mobilité en transports en commun à Schaerbeek et Evere ne se limite évidemment pas au métro ou au tram 55. Il faut considérer toutes les autres lignes de la STIB, les lignes de De Lijn, le chemin de fer (SNCB) et leurs potentiels d’amélioration (pour un aperçu, voir nos 11 propositions pour améliorer la ligne de tram 55 et la desserte de Schaerbeek et Evere).

2. Un budget qui a explosé depuis le lancement du projet et qui s’élève (pour l’instant) à 2,3 milliards d’euros !

Quand il est question de tels montants, il est difficile d’imaginer ce que cela peut représenter. Pour essayer de se faire une idée, l’ARAU et IEB ont estimé ce qu’il serait possible de réaliser avec ces 2,3 milliards. Voici 3 exemples :

  • Construire 200 km de voies de tram (pour rappel, le réseau actuel fait 147,1 km) ;
  • Financer la production de 10.000 logements sociaux ;
  • Rénover/isoler 150.000 logements.

Étant donné la très mauvaise situation financière de la Région, les dépenses dans le métro 3 ne pourraient se faire qu’au détriment d’autres investissements. Le projet de métro serait ainsi déjà responsable de la « mise au frigo » des projets d’automatisation des lignes existantes ou encore du report, à une date éloignée et incertaine, de la démolition du viaduc Herrmann-Debroux. Plus récemment, ce sont les déclarations du ministre en charge des Finances et du Budget, Sven Gatz, qui ont confirmé les « difficultés » que rencontre la Région face au financement du projet de métro 3. Le message est clair : si le projet de métro 3 n’est pas abandonné, il empêchera la réalisation de toute une série d’autres projets.

Mettre tous les moyens sur une seule ligne de métro, avec des résultats marginaux voire négatifs pour les usagers, reviendrait donc mettre tous ses œufs dans le même panier, qui plus est dans un panier percé.

3. Un bilan carbone négatif : il y aurait plus d’émissions de gaz à effet de serre avec le métro que sans !

A priori, on pourrait penser qu’un projet comme le métro 3 serait bon pour le climat en ce qu’il permettrait de « remplacer » tout un tas de déplacements en voiture par des déplacements moins émetteurs de gaz à effet de serre. C’est un des arguments les plus souvent mobilisés pour justifier cet investissement. Il n’en est pourtant rien ! En 2019, déjà, l’ARAU avait cosigné un article démontrant l’impact climatique négatif du métro 3.

L’étude d’incidences a fait l’exercice d’évaluer combien de trafic automobile il faudrait faire disparaître pour « compenser » les émissions de la construction et de l’exploitation du métro 3 (pour rappel, on parle uniquement de la partie « nord »). Elle en arrive à la conclusion que la construction et l’exploitation du métro représentent 1,7 % des déplacements effectués en voiture particulière sur une année. C’est largement au-delà des 0,6 % de l’effet évalué du métro 3 sur la diminution du trafic automobile. Cet effet  ne permettrait même pas de « compenser » les émissions liées à la seule exploitation du métro : il faudrait pour cela, toujours selon l’étude d’incidences, une baisse de 0,9 %. Autrement dit, il y aurait plus d’émissions de gaz à effet de serre avec le métro 3 que sans le métro 3 !

Conclusion : un projet du passé, un projet dépassé

Depuis le lancement du projet en 2009, le monde a changé, Bruxelles a changé. L’urgence climatique nous impose d’agir sans attendre : il n’est plus admissible de développer des projets sans tenir compte de cet impératif. La crise sanitaire et ses conséquences doivent également nous amener à repenser notre manière d’appréhender la ville, notamment en matière de mobilité, où des changements significatifs se manifestent déjà. Faire fi de ces changements majeurs serait faire preuve d’un coupable aveuglement. Le gouvernement bruxellois doit prendre ses responsabilités : il peut compter sur le soutien de l’ARAU qui, depuis maintenant près de 10 ans, alerte des défauts rédhibitoires du projet de métro 3 et des dangers qu’il fait courir.

Il faut à présent se concentrer sur les alternatives : les solutions ne manquent pas ! Il faudra être particulièrement attentif pour que, contrairement au projet de métro 3, elles mettent les usagers et leurs expériences réelles au cœur des critères de décision. Qu’elles offrent des gains (confort, sécurité, temps de parcours) pour tous les usagers, sans pour autant creuser de gouffre financier pour les Bruxellois ni mettre en péril les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique fixés par la Région.