Oser la régression démocratique ?

Oser la régression démocratique ?

Réaction de l’ARAU aux déclarations de Pascal Smet reprises dans l’article de La Libre de ce 25 mars 2022

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Ce n’est malheureusement pas la première fois que Pascal Smet déclare qu’en tant que politicien il faut oser prendre des décisions même si elles vont totalement à l’encontre de ce que veulent les citoyens et qu’il se soit fait applaudir à la suite de propos aussi inquiétants au MIPIM (haut lieu de la promotion immobilière) en dit long sur les ambitions antidémocratiques du Secrétaire d’État. Quand, de plus, il justifie ses intentions en réécrivant l’histoire à sa manière et en niant le rôle indiscutable des associations et des citoyens dans l’évolution de la ville depuis un demi-siècle, il y a lieu de craindre que ce révisionnisme annonce une future remise en cause des acquis démocratiques arrachés au pouvoir politique et aux puissances immobilières depuis 50 ans.

L’ARAU ne peut tolérer cette très trumpiste réécriture de l’histoire et dénonce :

  • Une déformation indigne de faits historiques : le milieu associatif bruxellois – dont l’ARAU – et de nombreux habitants revendiquent depuis des décennies une ville apaisée avec moins de voitures ; même si l’ARAU n’a jamais revendiqué la piétonnisation des boulevards du centre, celle-ci repose sur une très forte mobilisation citoyenne. Habitants et comités ont clairement joué un rôle de sensibilisation et d’impulsion de politiques engagées en faveur de la mobilité active, mais aussi, plus généralement, de l’amélioration de l’environnement urbain. C’est par exemple grâce à des mobilisations citoyennes et par le travail des associations que les impacts environnementaux des démolitions-reconstructions (bilan carbone) sont actuellement pris en considération par les pouvoirs publics. En d’autres mots ; les décisions politiques de ces dernières années se sont très souvent appuyées sur les analyses et les revendications du milieu associatif et des habitants !
  • Une négation de la complexité de la ville et des rapports de force dans le processus des décisions, avec une vision réductrice et caricaturale de la mentalité et des desiderata supposés d’un « peuple bruxellois ». Les citoyens ne sauraient être amalgamés en une unique entité réactionnaire : non, les habitants ne sont pas tous anti-changements et pro-voitures. Dépeindre les Bruxellois de la sorte, que ce soit dans le débat local ou devant un « panel international », relève de la plus grossière dé(sin)formation.

Plus fondamentalement, derrière ce discours, l’ARAU relève :

  • Une pensée politique dangereuse : la participation citoyenne n’exclut absolument pas la responsabilité politique. Elle renvoie d’abord à une exigence de transparence (fruit de luttes urbaines et de longs combats politiques) qui constitue la condition du débat public et qui permet l’appréciation critique du fondement des décisions ;
  • Une préoccupante contradiction avec d’autres déclarations récentes du Secrétaire d’Etat s’exprimant en faveur d’une plus grande participation en amont sur les projets urbains ;
  • Une édifiante régression dans la vision d’un pouvoir exécutif incontrôlé : être désigné membre du gouvernement n’implique pas d’avoir carte blanche le temps de la législature.

Certaines mesures politiques peuvent effectivement se révéler impopulaires auprès d’une partie de la population et susciter des réactions conservatrices et individualistes à contresens de la poursuite de l’intérêt général. Il ne s’agit pas de nier cette difficulté. Il revient toutefois aux responsables politiques de favoriser un contexte transparent, d’encourager le sens de l’intérêt commun urbain pour qu’à l’issue de débats contradictoires puisse émerger des solutions démocratiques. Le défi est de convaincre plutôt que d’imposer. Les associations contribuent à cet effort de pédagogie.

Les Bruxellois ne rêvent pas de belles images ; leur intérêt repose bien plus dans un changement de culture politique où la responsabilité politique s’oblige à intégrer la vision et le rôle des citoyens dans le projet de ville.

L’ARAU demande au gouvernement d’une part qu’il adresse à Pascal Smet une mise en garde en lui rappelant que, malgré ses tentations autocratiques, nous vivons (encore) dans un état démocratique et d’autre part qu’il se dissocie de ses propos mégalomanes et anti-démocratiques !