Projet « Le petit loup » : c'est pour mieux te manger, mon enfant !

Projet « Le petit loup » : c'est pour mieux te manger, mon enfant !

Le projet « Le petit loup » semble avoir une grosse faim car il prétend avaler une grande partie de l’îlot situé entre la rue Fossé aux loups, la rue Léopold et la rue des Princes, qui borde la place de la Monnaie, le long de l’opéra. Il s’agit d’un projet mixte comprenant logements, commerces et bureaux.

Description du projet

Rue des Princes :

  • Rénovation et extension de l’immeuble de bureaux des années 70-80 ;
  • Aménagement d’un commerce au rez-de-chaussée et au 1er étage ;
  • Construction d’un étage supplémentaire afin d’y aménager 1 logement.

Rue Fossé aux Loups :

  • Démolition / reconstruction de 2 immeubles (n°13 et 15) et transformation lourde de 3 immeubles (n°17 (démolition du 3ème étage), 19 et 21) afin d’y aménager 16 logements ainsi qu’un commerce au rez-de-chaussée et au 1er étage ;
  • Transformation de 2 maisons (n°23 et 25) afin d’y aménager des logements pour étudiants et un commerce au rez-de-chaussée ;
  • Rehausse de 2 étages au niveau des n° 17 et 19, l’immeuble démoli au n°13 fait place à un bâtiment de hauteur sensiblement identique mais moins large, l’immeuble démoli au n°15 gagne en largeur et est rehaussé de 2 étages ;
  • Aménagement d’un parking de 7 emplacements au sous-sol (parking déjà existant).

Analyse

1. Bureaux

Les bureaux seraient implantés entre le +2 et le +5 du côté de la rue des Princes dans ce qui est actuellement un seul immeuble. Ce projet prévoit 1652 m² de bureaux en zone d’habitation.
A ce sujet, le PRAS indique que :
« Ces zones peuvent également être affectées aux bureaux dont la superficie de plancher est limitée à 250 m² par immeuble.
L’augmentation des superficies de plancher des activités productives et des superficies de bureaux peut être autorisée jusqu’à 500 m² par immeuble aux conditions suivantes :
1° l’augmentation des superficies est dûment motivée par des raisons sociales ou économiques;
2° les conditions locales permettent cette augmentation sans porter atteinte à la fonction principale de la zone;
3° les actes et travaux ont été soumis aux mesures particulières de publicité ».
L’esprit du PRAS est donc très clair : les bureaux n’ont pas leur place en zone de logement ou alors en portion congrue.
De plus, dans cette maille (BRU-02) le solde de bureaux admissible est négatif (-893 m²). Il y a donc déjà trop de bureaux. Le projet comporte donc trois fois plus de bureaux qu’autorisé.

Par dessus le marché, les pouvoirs publics devraient considérer que la bibliothèque qui occupe actuellement cet immeuble est un équipement public. Les équipements sont autorisés en zone de logement mais leur conversion en bureaux doit respecter le PRAS : maximum 500m².

2. Commerces

La situation existante présente 7 entités commerciales entre le n°15 et le n°25 de la rue Fossé aux Loups.
La taille de l’entité commerciale prévue par le projet (une surface unique de 1800 m²) laisse légitimement présager l’installation d’un commerce de type mégastore qui pourrait mettre en danger la mixité commerciale.

Exit donc le commerce de produits bio, le petit café brusseleir, etc. Qui, sans doute, paient de petits loyers. Welcome les multinationales. Justement il nous manquait un H&M, semble penser la Ville. Il est vrai que rue Neuve, il n’y en a que trois…

L’ARAU juge que l’affectation commerciale du 1er étage des bâtiments, qui justifie les rehausses et le traitement homogène sous forme de complexe, pose problème. Considérant la présence d’un liseré de noyau commercial autour de cet îlot, cette affectation est autorisée par le PRAS, très libéral en la matière. Mais est-ce pour autant urbanistiquement souhaitable ? Est-ce conforme au bon aménagement des lieux ?

Il y a un précédent dans le même îlot, qui devrait servir de leçon. La Ville y a en effet autorisé une enseigne Carrefour, qui occupe à l’angle de la rue Fossé aux Loups et de la place de la Monnaie, les rez-de-chaussée et les premiers étages au détriment du logement. Cette enseigne a collé des autocollants sur toutes les vitres. La complaisance des pouvoirs publics à l’égard des commerces aux étages, non seulement fait reculer le logement en ville mais en plus dégrade l’image de Bruxelles.

3. Patrimoine

Le projet se situe pour partie dans les zones de protection du Théâtre royal de la Monnaie et de l’Ancien hôtel des Postes et Crédit du Nord belge. A ce titre le demandeur se doit d’apporter une attention particulière au traitement de cet espace.

Le n°23 de la rue Fossé aux Loups, maison avec façade néo-classique entièrement en pierre bleue, possède en particulier un très bel escalier baroque d’origine, situé au fond du commerce et menacé par la transformation envisagée par le projet. Ces immeubles sont transformés en kot d’étudiants. Si le souci de rentabilité saute aux yeux, il n’en est pas de même pour le respect du patrimoine et l’intérêt urbanistique.
L’ARAU demande le classement de ce bâtiment.

Le traitement des rez-de-chaussée uniformise et banalise, exactement comme l’exige actuellement le marché. Il faudrait, au contraire, préserver et mettre en valeur les qualités de l’existant car le marché peut changer alors que les transformations sont irréversibles.
Le traitement du rehaussement des immeubles est également uniforme et très massif. Le projet enlève au N° 17 un étage qui n’est pas d’origine mais qui est correctement opéré et il le remplace par trois niveaux supplémentaires. A l’arrivée, les immeubles existants seront complètement écrasés.

C’est l’affectation commerciale qui justifie cette approche. Le bon aménagement des lieux et le respect de la ville bâtie doivent donc interdire le commerce au premier étage. C’est le logement qui a sa place au premier étage de ces immeubles qui peuvent certes être rénovés mais pas écrasés. La rehausse doit être réduite.

Conclusion

Au premier regard, on pourrait penser qu’il s’agit là d’un « bon projet » : la surface consacrée au bureau diminue tandis que celle dédiée au logement augmente. On pourrait même croire que ce projet s’inscrit dans le programme de reconversion de bureaux en logements encouragé par la Région.
Sauf que cette diminution de la surface de bureau se fait au profit d’une affectation commerciale de type mégastore qui gagne l’entièreté du premier étage des bâtiments…
L’ARAU demande que le premier étage soit affecté au logement : dès lors, le projet ne serait plus amené à une rehausse des bâtiments (en dérogation au RRU) pour pouvoir conserver une surface importante de logements.