Quartier Saint-Géry : habitants non admis ?

Quartier Saint-Géry : habitants non admis ?

Le 5 septembre dernier, les habitants du quartier Saint-Géry interpellaient le Conseil Communal de la Ville de Bruxelles. Ils entendaient y dénoncer le caractère monofonctionnel entièrement dédié au secteur horeca que le quartier a revêtu et les nuisances multiples qui en découlent.

Alors que le MR vient de déposer une proposition d’ordonnance visant à lutter contre les nuisances sonores causées par les commerces ouvrant entre 1h et 5h du matin, les habitants du quartier Saint-Géry continuent à souffrir du « caractère monofonctionnel entièrement dédié au secteur horeca » que leur quartier a depuis plusieurs années revêtu [1].
Les habitants ont multiplié les démarches ces dernières années afin de faire reconnaitre les problèmes qu’ils rencontrent et de tenter d’y apporter une solution.
Ainsi, aux réunions de travail entre les habitants et les différents services de la Ville ont notamment succédé plusieurs interpellations ou questions lors de séances du Conseil Communal [2].

Les habitants ont constaté, dans les dernières années, l’installation de nombreux nouveaux établissements horeca en lieu et place d’autre types de commerces (magasins d’alimentation, garage, boutique de vêtement, etc.). Ils ont également relevé la transformation de restaurants ou cafés en discothèques.
Ces changements de destination, autorisés ou non, ont modifié le visage du quartier, faisant disparaitre la mixité commerciale au profit d’une « monofonctionnalité horeca ».
Et les nuisances engendrées par le développement incontrôlé [3] de bars, restaurants et autres discothèques, sont nombreuses : envahissement de l’espace public par les terrasses, problèmes de sécurité, bruit, etc.

La pollution sonore est sans doute la plus importante de ces nuisances de part son caractère invasif qui peut être considéré comme une « violation du droit à l’inviolabilité du domicile » [4], comme l’a reconnu la Cour européenne des droits de l’homme en 2004.
Il faut également rappeler que l’exposition au bruit est cause de multiples atteintes à la santé attestées par une pléthore d’études et de rapports émanant de l’OMS, de l’UE, de l’IBGE, de la communauté scientifique, du monde académique, etc.

Dans ces conditions, il est légitime de s’inquiéter de l’habitabilité du quartier Saint-Géry. Surtout quand on sait que parmi les ménages se plaignant du bruit en Région de Bruxelles-Capitale, 43,2% ont déjà songé à déménager pour résoudre le problème [5]…

La Ville, qui fait du retour et de l’installation durable d’habitants dans les quartiers centraux une de ses priorités, semble peiner à mettre un terme à une situation qui menace la réalisation de cet objectif. Certes, des dossiers sont ouverts pour infraction à la réglementation horeca et des procès-verbaux concernant la réglementation sur les terrasses et les nuisances sonores sont dressés [6].
Mais force est de constater que les nuisances perdurent : face à la rareté et au manque de sévérité des sanctions, un sentiment d’impunité a tout le loisir de se développer…

Un récent avis de la Commission de concertation, s’opposant à l’extension d’un établissement horeca dans le quartier, pourrait être vu comme le signe de la compréhension de la Ville, bien qu’il ne résolve en rien les problèmes existants.
Reste donc à savoir si cette attitude augure d’une réelle volonté de changement de politique ou si sa portée ne restera que symbolique…

Dès lors, les habitants et l’ARAU demandent que la Ville passe à la vitesse supérieure et prenne des arrêtés de fermeture à l’encontre des établissements violant les normes environnementales en matière de bruit ou les réglementations en urbanisme.

Pour une vue plus complète de l’évolution du quartier Saint-Géry, consulter notre analyse : https://www.arau.org/fr/evolution-urbanistique-du-quartier-saint-gery/

[1] Déjà en 1997, Pierre Delhez, à l’époque membre du comité de quartier Saint-Géry, s’inquiétait de cette situation : « Il ne faut pas que le quartier devienne une seconde rue des Bouchers. Nous avons choisi de vivre dans le centre-ville en connaissance de cause. C’est un quartier animé. Mais il ne faut pas qu’il soit mort la journée et vivant uniquement la nuit. Sinon, comment dormir ? Les habitants partiront…« , Une fête organisée entre voisins… Le quartier Saint-Géry est encore habité ! Le Soir, 19 août 1997.

[2] Voir l’interpellation faite par les habitants lors de la séance du 5 septembre 2011 :
http://www.bruxelles.be/artdet.cfm/docY9IpEeHrGiE=
Voir également les questions adressées par, entre autres, Bruno De Lille, Marie Nagy, Els Ampe, Catherine Lemaître lors des séances publiques des 4 avril et 20 juin 2011 :
http://www.bruxelles.be/artdet.cfm/docK6t4+8zva9s=
http://www.bruxelles.be/artdet.cfm/doccjULpBS+ex0=

[3] A ce sujet, le Bourgmestre Freddy Thielemans déclarait, lors de la séance du 5 septembre : « Le problème du quartier Saint-Géry réside dans le fait qu’il a connu un développement fulgurant, que nous avions initialement considéré comme positif. En effet, il s’accompagnait d’un retour d’activités dans un lieu qui était alors en perdition. Mais ce qui a été réalisé aux halles Saint-Géry n’était peut-être pas idéal. »

[4] Voir à ce sujet l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 16 novembre 2004 (affaire Moreno).

[5] Institut de Santé Publique, Enquête de Santé par interview 2001.  http://www.iph.fgov.be/epidemio/epifr/crospfr/hisfr/table01.htm

[6] Quelques chiffres avancés par Freddy Thielemans lors de la séance du 20 juin 2011 :
De mai 2010 à juin 2011

  • 67 PV dressés par la police pour non respect de la réglementation des terrasses (concerne 13 établissements) ainsi que de nombreux PV dressés par le service horeca de la Ville. Ces PV ont conduit à 18 avertissements et 2 sanctions.
  • 31 PV dressés par la police pour tapage nocturne amenant à 21 avertissements et 2 sanctions.