Réaménagement du boulevard Reyers : l’ombre du viaduc plane toujours…

Réaménagement du boulevard Reyers : l’ombre du viaduc plane toujours…

Malgré un certain nombre d’améliorations par rapport à la situation existante, le projet donne encore beaucoup trop la priorité à l’automobile par sa volonté de maintenir, à tout prix, les capacités de stationnement et d’« écoulement des flux ». Le projet propose dès lors une succession de « solutions techniques » décousues au lieu d’un aménagement continu et lisible à même d’offrir des conditions de circulation sûres et confortables aux piétons, cyclistes et usagers des transports en commun tout au long du boulevard Reyers.
Pour s’inscrire dans l’avenir, la Région doit inverser sa manière d’élaborer les projets de réaménagement des espaces publics en donnant une pleine priorité aux piétons, cyclistes et usagers des transports en commun et en mettant terme à la domination de l’automobile.

Avec la démolition du viaduc Reyers en 2015-2016, c’est un symbole de la domination de la voiture sur la ville qui a disparu. Mais son ombre continue de peser sur le projet de réaménagement du boulevard Reyers, qui sera débattu en commission de concertation ce jeudi 20 mai à Schaerbeek. D’un point de vue strictement comptable, les espaces dédiés aux piétons et aux cyclistes augmentent, tandis que diminuent ceux alloués au trafic automobile : a priori tout va bien.

En allant (à peine) plus loin dans l’examen des plans, on constate en revanche que les aménagements pour les piétons, cyclistes et usagers des transports en commun restent contraints (parfois très fortement, à certains endroits) par la volonté de maintenir la « capacité d’écoulement » des flux automobiles et le stationnement. Ainsi, malgré une largeur de près 45 mètres (!), certains tronçons du boulevard ne verraient pas la taille des trottoirs augmenter alors qu’ils font actuellement moins de 2 mètres…

Sur le tronçon entre la rue du Saphir et la place Meiser (illustrations ci-dessous), les trottoirs de 1,94 m et 1,61 m ne gagneraient pas le moindre centimètre !

Concernant les cyclistes, le projet ne propose pas de pistes cyclables séparées et continues sur l’ensemble du périmètre et multiplie les « rues cyclables », à partager avec le trafic automobile.
Bruxelles Mobilité justifie ce choix par la contrainte du « nécessaire » maintien du stationnement automobile…

On viendrait, au vu de ces exemples, à douter que la Région a bien connaissance du principe STOP. Ce principe, selon lequel la priorité doit être donnée, dans l’ordre, aux piétons, cyclistes, transports en commun puis, seulement, aux voitures, est pourtant inscrit dans le Plan Régional de Mobilité (PRM) Good Move…

Le projet de réaménagement du boulevard Reyers n’a visiblement pas été élaboré selon ce principe mais, au contraire, sur base du maintien d’une importante capacité de circulation automobile comme condition sine qua non. Au lieu de se demander quel espace peut être dédié à la circulation automobile une fois assurées les conditions de sécurité et de confort pour les piétons, cyclistes et usagers des transports en commun, la Région a opéré le raisonnement inverse : elle s’est demandé comment donner le « maximum » aux piétons, cyclistes et usagers des transports en commun sans remettre en question la place dominante de l’automobile. Cette manière de procéder, à l’encontre du principe STOP, n’a pas uniquement des conséquences du point de vue de la mobilité mais aussi sur les caractéristiques urbanistiques du boulevard Reyers. Le projet se résume en effet à une succession d’interventions techniques de gestion des flux, sans considération pour la continuité ni la symétrie (et dons la « lisibilité » du boulevard) sauf sur de rares et courts tronçons, « là où c’est possible » (c.-à-d. là où la contrainte automobile est moins forte). Pour réaliser un vrai boulevard urbain, l’aménagement doit au contraire être continu, lisible et offrir des conditions de circulation sûres et confortables aux piétons, cyclistes et usagers des transports en commun tout au long de la voirie.

 

Le projet n’est pas développé en fonction d’un avenir souhaitable et souhaité mais d’une situation passée et présente qui n’est plus voulue et qui n’est plus tenable

La « philosophie » qui soutient le projet de réaménagement du boulevard Reyers est conservatrice puisqu’elle est définie sur la base du maintien des flux automobiles comptabilisés hier/aujourd’hui. Le projet n’est donc pas développé en fonction d’un avenir souhaitable et souhaité mais d’une situation passée et présente qui n’est plus voulue et qui n’est plus tenable. Pour le dire autrement, le projet de réaménagement du boulevard Reyers doit tenir compte de la ville de demain, où beaucoup moins de déplacements se feront en voiture : pour ce faire, il doit contribuer à réduire significativement la place de l’automobile, à libérer de l’espace public pour garantir la circulation sécurisée et confortable des autres modes sans oublier non plus, comme c’est trop souvent le cas, les usages autres que les déplacements (se poser sur un banc public ou en terrasse, faire du lèche-vitrine, se rassembler, flâner, etc.). L’ARAU attend donc de la Région qu’elle revoie sa copie et qu’elle propose un projet de réaménagement du boulevard Reyers à la mesure des ambitions affichées dans les plans et les déclarations politiques de ses représentants. Plus globalement, tous les projets mis en œuvre par la Région ou conditionnés à ses autorisations (permis), qu’ils soient immobiliers ou qu’ils concernent les espaces publics, doivent dès aujourd’hui s’inscrire dans l’avenir, car ils contribuent à le façonner.