S’affranchir de la voiture pour rendre la ville habitable partout et tout le temps

S’affranchir de la voiture pour rendre la ville habitable partout et tout le temps

Le projet de Plan Régional de Mobilité « Good Move » ne remet pas fondamentalement en cause la place de la voiture en ville

La mobilité n’est pas une fin en soi : ce n’est pas à la ville de se soumettre aux besoins de mobilité mais bien à la mobilité de s’adapter à la ville. Toute politique de mobilité doit essentiellement concourir à renforcer l’urbanité et, plus particulièrement, garantir l’habitabilité, partout et tout le temps, ce qui implique notamment d’assurer un environnement sain et la liberté de se déplacer en sécurité (et donc de se libérer de la voiture et de ses nuisances). Le projet de PRM, par certains aspects, s’en approche mais s’en éloigne par d’autres, notamment en restant marqué par l’héritage de la gestion fonctionnaliste des flux : à chaque mode ses réseaux privilégiés, y compris pour la voiture qui reste prioritaire sur les « grands axes » comme la petite ceinture, la rue de la Loi, etc.

Dans le cadre de l’enquête publique sur le projet de Plan Régional de Mobilité (PRM) l’ARAU demande à la Région d’affirmer ces 3 axes d’action :

1. La « marchabilité » et la « cyclabilité » partout et tout le temps
Un piéton ou un cycliste doit pouvoir se déplacer librement, partout dans la ville et à tout moment, sans être invité à emprunter un itinéraire qui lui serait spécifiquement « consacré ». Le projet de PRM propose au contraire une spécialisation des voiries pour chaque mode de déplacement. Des aménagements physiques de l’espace public sont bien sûr nécessaires mais ils ne constituent en fait qu’un « pis-aller » tant que le volume et la vitesse du trafic automobile resteront élevés

2. Des transports en commun qui remplissent leur mission de service public universel
Trois conditions fondamentales doivent être réunies :

  • L’accessibilité et le confort : privilégier les transports de surface, réduire le nombre et la pénibilité des correspondances ;
  • Des fréquences élevées et une large amplitude horaire : garantir une régularité du service implique de pouvoir « immuniser » les transports en commun du trafic automobile ; la meilleure solution revient, une fois encore, à réduire fortement le volume de ce trafic ;
  • Le maillage fin du réseau, sans déléguer ce service à des véhicules individuels gérés par le secteur privé dont l’offre se déploie en fonction de la demande et de la solvabilité de la clientèle potentielle

3. La voiture en ville devient l’exception
Afin de garantir une mise en pratique effective des deux premiers points et dans un contexte d’urgence environnementale, l’emprise de la voiture sur la ville doit drastiquement diminuer, partout et tout le temps. Cela nécessite une politique volontariste qui active, entre autres, les leviers suivants :

  • Supprimer toutes les infrastructures autoroutières qui « aspirent » le trafic automobile (viaducs, tunnels, autoroutes urbaines) ;
  • Faire de la politique de stationnement un outil clé : viser une réduction effective du nombre de places de parking des bureaux, contenir le nombre de places dans les nouveaux projets de logements, abandonner les projets de parkings de transit (P+R), système inefficace voire contreproductif ;
  • Instaurer un système de péage à même d’enclencher un basculement et un cercle vertueux (moins de voitures => plus de « marchabilité », de « cyclabilité », meilleures performances des transports en commun => moins « besoin » de la voiture => etc.)

La ville n’est pas une cause mais une réponse aux problèmes environnementaux : densité, mixité des fonctions, proximité des services et des équipements permettent de s’affranchir de la voiture.
En entérinant des « coups partis » comme le métro Nord, la rénovation des tunnels ou encore les parkings de transit, la Région se prive d’importants leviers et moyens d’action. Le PRM devrait au contraire orienter les investissements publics dans des politiques qui s’engagent à s’émanciper de la voiture en ville.
La Région a de nombreuses cartes en main et ne doit pas craindre de prendre ses responsabilités pour rendre la ville « marchable » et cyclable partout et tout le temps et permettre aux transports en commun de remplir leur mission de service public universel. Il est plus que temps de changer de paradigme, d’inverser la « logique » qui voudrait qu’on attende « les alternatives crédibles » avant de s’affranchir de la voiture et de son emprise.