La rue de Flandre en voie de "saintgérisation"

La rue de Flandre en voie de "saintgérisation"

Comment l’emprise de l’Horeca déstructure l’équilibre commercial du centre-ville.

En 2011 l’ARAU analysait l’évolution du quartier Saint-Géry, en proie à la mono-fonctionnalité Horeca, pour relayer et expliquer le ras-le-bol des habitants confrontés entre autres aux nuisances sonores . Perte de mixité commerciale, diminution de la qualité de vie : tels étaient les problèmes soulevés. Ces nuisances liées au déploiement incontrôlé des activités horeca s’étendent aujourd’hui au quartier Vismet et en particulier à la rue de Flandre, dont l’identité et la diversité commerciales paraissaient jusque-là préservées. De nombreuses demandes de permis ont été déposées ces quatre dernières années à la Ville de Bruxelles avec pour objet le changement d’affectation des rez-commerciaux au profit du développement d’activités horeca. Il y a eu en 4 ans (2010-2014) une centaine de changements d’affectation de commerces vers Horeca au centre-ville .

Le 4 février 2014, la commission de concertation de la Ville de Bruxelles a émis un avis positif pour un bar à vin, malgré une pétition des riverains contre le projet. Elle émet le même jour un avis négatif pour un salon de thé-pâtisserie en rappelant, mais uniquement pour cette dernière demande, les  nuisances liées au développement de l’Horeca dans la rue. Un résultat paradoxal: si les riverains avaient des craintes quant aux deux demandes, ils se retrouvent avec un bar en plus, dont les nuisances et les horaires seront indubitablement plus problématiques que ceux d’une pâtisserie, du moins si elle est effectivement exploitée comme telle.

Parallèlement, d’autres transformations pour des changements d’affectation de type commerces vers Horeca ont également été  réalisées, plus discrètement, sur un plus long terme, et parfois sans demande de permis. On observe par ailleurs beaucoup de turnover au niveau des boutiques qui ont de plus en plus de mal à s’installer de manière pérenne dans la rue : les  vides commerciaux sont aujourd’hui nombreux. Les établissements horeca les comblent. Cette évolution induit lentement mais sûrement de nouveaux usages et un changement d’identité de la rue, plus ou moins non-maîtrisés par les autorités qui octroient les permis. Les autres types de commerces ne bénéficient pas vraiment de la nouvelle clientèle horeca et les riverains ne trouvent que peu d’avantages à un tel développement. Il leur apporte certes de l’animation, qu’ils ne récusent pas à tout prix (certains cafés de la rue sont de vieilles institutions) mais la multiplicité de l’offre de cafés-restos engendre surtout des nuisances. L’animation commerciale de jour serait plus bénéfique aux habitants.

Les commerçants qui ont encore une place dans la rue font également part de leurs inquiétudes.

A partir de l’étude de la situation rue de Flandre, l’ARAU entend, au moment où la Ville de Bruxelles prépare un Schéma de Développement Commercial, souligner 3 enjeux relatifs aux commerces du centre-ville, dans un souci de préservation de la diversité, pilier de la qualité de vie en ville :

  1. Donner plus de rigueur à l’analyse (obligatoire et préalable à tout permis) de la compatibilité entre les activités commerciales projetées et la fonction d’habitat (du centre), en privilégiant les projets qui la favorisent ;
  2. Procéder à des distinctions plus fines et pertinentes entre types de commerces au profit de recommandations précises, qui envoient un message clair aux entrepreneurs et aux administrations qui les assistent dans leur projet ;
  3. Ne pas prôner à tout prix une spécialisation des noyaux commerciaux mais  renforcer le mix commercial et la complémentarité des commerces au sein d’un même quartier.