Habiter Bruxelles - Schaerbeek

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Le Foyer Schaerbeekois

En 1897, une commission est chargée d’étudier les conditions de logement des ouvriers à Schaerbeek. Ses conclusions sont sans appel : manque de logements abordables, pauvreté parfois extrême, problèmes d’ordres hygiéniques et moraux, etc. Si bien qu’en 1899, sous l’impulsion de l’échevin socialiste des finances Louis Bertrand, Schaerbeek crée le Foyer Schaerbeekois, une société chargée de construire puis de vendre ou de louer des logements ouvriers bon-marché et répondant aux normes d’hygiène. Ses premières constructions datent de 1899-1902 et sont l’œuvre de Joseph Rampelberg et d’Henri Jacobs (voir ci-dessous). Les constructions vont bon train : à la veille de la Première Guerre mondiale, le Foyer Schaerbeekois abrite 257 familles, soit 1189 personnes.

Au lendemain du conflit, et alors que les discussions sur la création de la Société nationale des Habitations et Logements à Bon Marché (SNHLBM) sont en cours, le Foyer Schaerbeekois achète de nombreux terrains autour de la rue de l’Agriculture et de la chaussée de Haecht afin de pallier le manque de logements. Dans la même idée, il achète des immeubles inachevés et en termine lui-même la construction. Il se dote aussi d’une régie afin d’accélérer les travaux. Toutes ces opérations sont supervisées par Charles Roulet, responsable du service « expropriation » de la commune.

En 1920, le Foyer Schaerbeekois est agréé par la SNHLBM et, fort de ce soutien, conçoit un important programme de construction de 2064 logements, sous forme d’immeubles à appartements mais aussi d’une cité-jardin. Par la suite, la crise économique ralentit les activités du Foyer, qui se concentre alors sur la lutte contre les taudis. Plusieurs immeubles sont construits afin de reloger les habitants expulsés. D’autre part, certains loyers sont diminués pour permettre aux locataires de faire face à la crise.

 

Le complexe Haecht – Agriculture – Marbotin

 

Durant les Trente Glorieuses, le Collège communal, à majorité libérale, se désintéresse du Foyer. Seuls deux projets de construction aboutissent dans les années 1950 et 1960. Par la suite, et pour éviter l’achat de nouveaux terrains, le Foyer se concentre sur son parc existant, ce qui l’amène à démolir plusieurs réalisations d’Henri Jacobs afin de les remplacer par des immeubles plus imposants. C’est seulement à la fin des années 1970 que reprennent les grands travaux de construction.

L’œuvre d’Henri Jacobs (1864-1935)

Fils d’un inspecteur des écoles communales bruxelloises, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, Henri Jacobs est surtout connu comme « bâtisseur d’écoles ». Mais c’est aussi, dès 1899, l’architecte officiel du Foyer Schaerbeekois, pour lequel il signe plusieurs ensembles remarquables de logements sociaux d’inspiration Art nouveau.

L’immeuble-rotonde à l’angle de la chaussée de Helmet et de la rue du Foyer Schaerbeekois est sa première réalisation, en 1902. La même année s’achève la construction de quatre immeubles de rapport, rue Victor Hugo, toujours sur les plans de Jacobs. Parallèlement, il dessine les plans de deux enfilades de maisons ouvrières, rue du Corbeau et rue du Tilleul, qui sont achevés en 1903. Cette année-là, il conçoit une la cité L’Olivier, qui sera achevée en 1905 : située dans le vieux centre de Schaerbeek, ces cinq immeubles autour d’une cour sont construits en lieu et place de deux impasses insalubres. Les appartements se louent très rapidement et, fort de ce succès, le Foyer décide de réitérer l’expérience. Jacobs dessine donc une seconde cité composée de deux blocs autour d’une cour intérieure : la cité de Helmet est achevée en 1910. Soi-disant insalubre, elle est démolie dans les années 1970 pour faire place aux deux barres du square Apollo.

 

La cité de Helmet avant sa démolition (c) Archives communales de Schaerbeek

 

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Henri Jacobs n’est plus seul : pour réaliser son programme de construction, le Foyer Schaerbeekois commence à faire appel à d’autres architectes, comme Charles Roulet. Jacobs dessine encore un ensemble de maisons de style Art Déco, rue de du Tilleul, soit un ensemble de neuf appartements. Fautes d’acquéreurs, ils sont d’abord mis en location.

Le complexe Haecht – Agriculture – Marbotin

Cet ensemble de 24 « maisons-doubles » (deux appartements par étage) fait partie du programme de construction développé par le Foyer Schaerbeekois pour faire face à la pénurie de logements qui fait suite au premier conflit mondial. C’est l’architecte Charles Roulet qui dessine les plans de cet ensemble de style Art Déco, entre la chaussée de Haecht, la rue de l’Agriculture et la rue Adolphe Marbotin. De style Art Déco, l’ensemble s’inspire des réalisations d’Henri Jacobs.

Les plans sont acceptés en 1921. Entamés la même année, les travaux avancent rapidement, grâce à la régie dont le Foyer s’est doté. Les bonnes relations avec les briquetiers d’Evere et du nord de Schaerbeek permettent un approvisionnement en matériaux traditionnels ; le Foyer évite ainsi d’utiliser de manière excessive certains matériaux expérimentaux prônés par la SNHLBM, tel le béton. Mais d’autres matériaux restent chers : Charles Roulet est contraint de réviser le projet en supprimant certains éléments décoratifs (ferronneries, vitraux, etc.). Il compense en utilisant des bandeaux de similipierre pour agrémenter les façades.

Fin 1921, 156 logements sont déjà mis en location. Tous ont leur WC, une révolution à l’époque ! Les logements seront notamment occupés par les familles réfugiées dans les baraquements du Tir National.

Ce modèle de maisons sera reproduit à de nombreuses reprises, entre 1922 et 1925 : si les plans intérieurs varient très peu, les façades, sont tout sauf monotones. La recomposition constante d’un nombre limité de motifs et de matériaux offre ainsi une grande diversité de façades dont les alignements forment des ensembles très harmonieux.

La cité Terdelt

Au début du 20e siècle, la commune de Schaerbeek dessine des plans dessinés à organiser l’urbanisation de l’est et du nord de son territoire. Seules quelques portions ne sont pas concernées, notamment le plateau Terdelt. Au lendemain de la guerre, et après plusieurs projets avortés, la commune choisit d’y construire une cité-jardin. Dès 1920, un premier plan d’implantation est dessiné et, deux ans plus tard, l’arrêté royal autorisant l’expropriation des terrains est adopté. Devant la lenteur et le coût des procédures, les plans sont revus à la baisse : la cité n’occupera plus qu’un tiers de la surface initialement prévue. En outre, souhaitant échapper de la tutelle de la SNHLBM, la commune et le Foyer Schaerbeekois mettent au point leur propre projet.

Ce sont les architectes Charles Roulet et Henri Jacobs fils qui le dessinent, en 1924 : ils prévoient un ensemble de rues étroites et courbes, articulées autour d’une place centrale. Outre des maisons individuelles (qui seront immédiatement revendues, selon les instructions de la SNHLBM), la cité comptera aussi des petits immeubles collectifs d’un à trois étages, notamment sur les parcelles d’angle, dans lequel les appartements seront mis en location par le Foyer. Ici aussi, la présence des briquetiers permet l’utilisation de matériaux traditionnels au détriment du béton. L’ensemble, construit dans un style d’inspiration régionaliste et Art Déco, est officiellement inauguré en 1926 et achevé en 1931. Destinée initialement aux ouvriers, la cité abritera plutôt des fonctionnaires communaux et des employés.

De l’autre côté de la Friche Josaphat, la cité Chomé présente des maisons du même style que celles de la cité Terdelt. Dessinée par Charles Roulet en 1922, son plan orthogonal est toutefois moins original et ses espaces publics ont été moins travaillés. Une erreur d’estimation du coût des maisons coutera à Charles Roulet sa place d’architecte pour le Foyer Schaerbeekois, en 1932.