Le futur de l'avenue Louise sera sans tunnel

Le futur de l'avenue Louise sera sans tunnel

Le projet cache-misère du MR pour l’avenue Louise

Cette semaine, le MR nous a proposé un voyage dans le passé et une vision délirante pour l’avenue Louise. Malgré le flop (et le caractère irréaliste et réactionnaire) de la proposition, il convient de rappeler les inepties sur lesquelles elle repose et de remettre en avant des leviers beaucoup plus intéressants (et moins coûteux !) pour réhabiliter l’avenue Louise : des aménagements que l’ARAU avait proposés pour l’avenue, dans le cadre de son étude sur le bois de La Cambre.

On aurait pu espérer que, 70 ans après la transformation de l’avenue en égout à voitures, tout le monde avait enfin compris que les tunnels, mais aussi les viaducs, autoroutes, etc., ont été la cause historique de bien des maux  pour la ville et pour l’avenue Louise : perte d’attractivité commerciale, dégradation de la qualité de l’espace public, augmentation de la pollution, etc. Le projet du MR montre que ce n’est apparemment pas le cas. Son objectif : amener du « beau » dans la ville et redonner aux grands axes leur « prestige », mais sans diminuer la place de la sainte voiture. En surface, les Libéraux proposent de dédier le centre de l’avenue à une large allée cyclo-piétonne, bordée de part et d’autre par les voies de tram. Seules les voies latérales restent dédiées au trafic local ; le reste de l’avenue fait encore la part belle au stationnement.

Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg : en sous-sol, le projet implique la création d’un tunnel à deux niveaux sous toute l’avenue, afin d’accueillir le trafic de transit et de vastes parkings. Une solution délirante : faut-il rappeler que les tunnels sont des infrastructures anachroniques et qu’ils agissent comme de véritables aspirateurs de trafic qu’ils ne font que rejeter plus loin ? Quelles répercussions sur l’avenue Franklin Roosevelt ? La chaussée de Waterloo ? La petite ceinture ? Le boulevard Général Jacques ? Des artères directement liées à l’avenue Louise !

 

Réaliser ces travaux ne ferait qu’aggraver le problème : l’avenue Louise resterait ainsi une autoroute urbaine en sous-sol, et encouragerait encore un peu plus l’usage de la voiture en augmentant l’encombrement de part et d’autre de l’avenue. Contrairement à ce que le MR veut faire croire à coup de belles 3D, le projet n’est qu’un cache-misère.

Tout cela sans parler des estimations budgétaires des plus farfelues : selon le MR, le projet devrait couter autour des 100 millions d’euros… A titre de comparaison, le projet de couverture de la petite ceinture, entre Louise et Porte de Namur (c.-à-d. la création d’un « bout » de tunnel d’une centaine de mètres entre les deux trémies), avait été abandonné, notamment en raison de son coût estimé à près de 100 millions. Le projet du MR est imprécis, mais si l’on additionne les portions de l’avenue Louise où il n’y a pas de tunnels, on arrive à un total de plus de 1,3 km, voire le double s’il s’agit bien d’un tunnel sur deux niveaux (?!).

La Région s’est déjà engagée dans des dépenses de plusieurs centaines de millions pour la seule rénovation des tunnels existants à travers le plan pluriannuel d’investissement de rénovation des tunnels de Bruxelles-Mobilité : créer de nouveaux tunnels ne ferait qu’alourdir la note future. Sans compter l’empreinte environnementale exorbitante des milliers de m³ de béton à couler (et à entretenir).

Le véritable enjeu est, au contraire, de décider d’un plan de sortie des tunnels, et de lancer sans attendre une étude sérieuse sur les possibilités de reconversion de ces infrastructures, trémies comprises.

« Respect the past, create the future » (Pascal Smet)

D’autre part, les Libéraux indiquent vouloir « mettre en place l’avenue Louise comme l’avait conçue Léopold II ». On est pourtant bien loin d’un retour au « prestige léopoldien » de l’artère. Rappelons en effet que l’avenue, conçue et réalisée dans les années 1850-1860…

  • N’a pas été conçue pour les véhicules automobiles ;
  • N’admettait d’ailleurs pas le stationnement des véhicules (c’était le cas partout à Bruxelles jusque 1936) ;
  • Ne comprenait aucun tunnel !

Dans son étude de 2021, formulant 25 propositions pour améliorer les usages et la circulation dans et autour du bois de La Cambre, l’ARAU avait d’ailleurs avancé une option pour le réaménagement de l’avenue Louise, sans doute plus proche du plan initial de l’avenue que le projet du MR. Rappelons tout d’abord que l’avenue Louise a été conçue dès le départ avec une ségrégation modale assez stricte :

  • Trottoirs destinés aux piétons ;
  • Voies latérales dédiées à la desserte des bâtiments par les véhicules
  • Deux contre-allées, chacune plantée de deux rangées de marronniers, l’une dédiée à la promenade piétonne, l’autre aux cavaliers ;
  • Allée centrale dédiée au trafic des véhicules puis au tram ;
  • Le tout aboutit à l’entrée du bois de La Cambre, où on trouve une large zone de rencontre où cohabitent tous les modes de circulation.

 

avenue louise
L’avenue Louise vers 1900 (source : Collection Belfius Banque-Académie royale de Belgique © ARB – urban.brussels).

 

Dans les années 1950-1960, l’avenue Louise devient une véritable autoroute urbaine, notamment par la création de tunnels sous l’allée centrale, facilitant le trafic de transit ; devenu « gênantes », les voies de tram ont été déplacées sur la contre-allée ouest, tandis que la contre-allée est accueille désormais du stationnement. L’entrée du bois de La Cambre devient quant à elle un rond-point. Seule la dernière partie de l’avenue, entre l’avenue Emile De Mot et le bois, conserve son terre-plein central.

L’ARAU propose de faire un pas vers la situation historique de l’avenue, en avançant plusieurs pistes concrètes :

  • Supprimer le stationnement sur la contre-allée est, pour créer une large promenade cyclo-piétonne, permettant de recréer un lien clair pour les modes actifs entre la ville et le bois ;
  • Compléter les alignements d’arbres afin de retrouver les deux doubles-rangées de marronniers, qui encadraient jadis les deux contre-allées ;
  • Fermer une fois pour toutes les tunnels (avec une réflexion sur la reconversion de ces infrastructures).
  • Recréer, à l’entrée du bois de La Cambre, une vraie zone de rencontre, en lieu et place du rond-point. Le terminus du tram 93 pourrait y être déplacé afin de déposer les promeneurs à l’entrée du site et d’appuyer visuellement l’accessibilité du bois en transports en commun.

Il s’agirait d’un premier pas pour refaire de l’avenue Louise un lieu de vie en réhabilitant ses espaces verts, la promenade et la chalandise, tout en recréant un lien plus clair entre l’avenue et le bois. L’ARAU reviendra prochainement sur cette proposition. Le futur réaménagement de l’avenue Louise devra impérativement reposer sur une étude historique de qualité et passer par la condamnation de ses tunnels et trémies.