Meiser : le rond-point doit devenir une vraie place, pas un carrefour de "gestion" des flux automobiles

Meiser : le rond-point doit devenir une vraie place, pas un carrefour de "gestion" des flux automobiles

Bien que le projet de réaménagement de la « place » Meiser apporte des améliorations notables par rapport à la situation existante (ce qui n’est pas difficile, vu la configuration actuelle catastrophique), il reste marqué par la prédominance de la circulation automobile et l’absence d’une vraie réflexion urbanistique. On est encore loin du compte : le projet doit être revu, en faveur d’un véritable projet de ville, et d’une place !

Le projet de Bruxelles Mobilité, soumis à l’enquête publique jusqu’à ce mardi 9 avril, consiste à « supprimer un rond-point pour créer 2 carrefours distincts ». Si on se borne à relever les points positifs apportés par ce réaménagement (plus d’espaces piétons et cyclables, plus d’espaces verts, meilleure configuration des voies et des arrêts de tram) et à les comparer à la situation existante, chaotique, on pourrait en conclure qu’il s’agit d’un bon projet. Mais si on le juge au regard des objectifs de diminution du trafic automobile (et de ses nuisances) et de (re)création d’une ville à l’échelle humaine, les conclusions sont toutes autres…

« Le nouvel aménagement du carrefour à la place du rond-point ne réduira pas le trafic »

Ce passage, extrait du rapport d’incidences (RIE, p. 92), a le mérite d’être clair : le réaménagement de la place Meiser n’a pas pour objectif de réduire le trafic automobile. C’était déjà le cas pour le réaménagement du boulevard Reyers, à propos duquel nous écrivions que « le projet se résume en effet à une succession d’interventions techniques de gestion des flux ». Bien sûr, le RIE indique aussi que « dans le futur, les usagers de la route vont être amenés à changer vers un shift modal ». Traduction : la réduction du trafic se fera par d’autres mesures (comment ? quand ? où ?). En se contentant de « mieux organiser » les flux automobiles plutôt que viser leur diminution, la Région perd une nouvelle occasion d’agir : elle s’apprête donc à dépenser 4 millions d’euros pour ce nouvel aménagement qui, puisqu’il est censé durer plusieurs décennies, ne fera que prolonger le statu quo… Comme nous l’écrivions à propos du boulevard Reyers : « le projet n’est pas développé en fonction d’un avenir souhaitable et souhaité mais d’une situation passée et présente qui n’est plus voulue et qui n’est plus tenable ».

Quand les ingénieurs trafic dessinent la ville : où sont passés les paysagistes ? les historiens ? les citoyens ?

Outre son absence d’effet en matière de réduction du trafic automobile, la transformation du rond-point en deux carrefours ne se traduit pas non plus par un aménagement urbanistique de qualité. Le morcellement des espaces, l’absence de symétrie et d’alignement des aménagements créent un manque de lisibilité, non seulement pour les cheminements (en particulier ceux des piétons) mais aussi pour la composition urbaine, qui ne constitue en rien une place ! Le projet actuel découle de nouveau d’une pensée limitée à la régulation des flux et à une réorientation du trafic. Il en ressort une sorte de schéma de circulation, très peu clair, et pas un véritable projet d’espace public. La place Meiser constitue pourtant un repère clé de Bruxelles et mérite un plan urbain plus ambitieux et une mise en scène lisible qui devrait préserver une certaine symétrie.

L’inconnue du « mediatram »

Si l’idée d’un très coûteux tunnel pour le tram 7 sous la place semble heureusement mise au frigo (mais pas définitivement enterrée), le dossier n’explique en rien comment les voies de tram seraient adaptées pour rejoindre le site de Mediapark… Actuellement, les trams 7 et 25, en provenance du nord et de l’ouest de la place Meiser, continuent leur route vers le sud en empruntant un tunnel sous le boulevard Reyers. Cette configuration n’est pas compatible avec une desserte du site de Mediapark, situé à l’est du boulevard Reyers, qui demande donc une traversée de cet axe. Le périmètre d’analyse doit être élargi pour clarifier cet enjeu.

Conclusion : Meiser mérite un projet urbain

Bruxelles Mobilité doit donc revoir fondamentalement le projet de réaménagement de Meiser avec pour objectifs une réduction du trafic automobile et la création d’une vraie place. Plus globalement, il est de la responsabilité de la Région de s’assurer que chaque intervention dans l’espace public contribue significativement à rendre la ville plus habitable : se contenter d’améliorer la situation actuelle par des interventions « marginales » (bienvenues, certes, mais qui ne remettent nullement en cause la domination de la voiture sur la ville) est largement insuffisant.