Passage en force de Good Living : c’est pareil, mais en pire

Passage en force de Good Living : c’est pareil, mais en pire

La version « remaniée » du projet de nouveau Règlement Régional d’Urbanisme (RRU), aussi connu sous le nom de Good Living, est actuellement sur la table du gouvernement, qui entend la faire passer en force : sans nouvelle enquête publique, ni avis du Conseil d’État. Pour rappel, la première version, soumise à l’enquête publique fin 2022-début 2023, avait suscité de vives réactions, aussi bien de la part du secteur associatif que de la promotion immobilière ou encore des architectes. Point commun de ces critiques : Good Living tient plus du plan stratégique, fait de grandes orientations et d’objectifs généraux, que du règlement, fait de normes claires et objectives. Cette nature pour le moins floue, ouvrant la porte à un traitement arbitraire des demandes de permis, reste de mise dans la version « remaniée », qui parvient même à pousser encore plus loin la logique de dérégulation !

En l’absence de nouvelle enquête publique et/ou de publication d’une version coordonnée, qui aurait permis de mettre en évidence l’ensemble des modifications apportées (et, éventuellement, de les justifier), difficile d’être exhaustif. Nous ne nous sommes donc penchés que sur les articles qui nous semblaient les plus problématiques, suite au travail d’analyse effectué lors de l’enquête publique de fin 2022-début 2023.

Plus de dérégulation… pour plus de spéculation

Certains de ces articles sont quasi inchangés, et donc toujours aussi imbuvables. Tout ce qui concerne les hauteurs des constructions reste ainsi du même tonneau, à savoir, notamment, que les constructions isolées (c.-à-d. non mitoyennes) ne sont soumises à aucune limite de hauteur. Idem pour certaines parties des constructions mitoyennes suffisamment éloignées des limites de mitoyenneté (voir notre analyse de 2023 pour plus de précisions). Sans limite de hauteur, et donc de limite maximale de superficie des constructions, la valeur du foncier devient elle aussi indéfinie : un formidable incitant à la spéculation !

D’autres articles concernant les constructions ont en revanche été modifiés… dans le mauvais sens. Dans l’article portant sur la « préservation et rénovation des constructions existantes », il était stipulé que tout projet de démolition de plus de 1.000 m² devait être dument justifié par un bilan carbone ; la version « remaniée » de cet article porte le seuil à 2.000 m²… Une telle régression sur un enjeu environnemental aussi important est inadmissible. Dans le même ordre d’idée, l’article portant sur la densité, qui indiquait que « tout projet présente une densité équilibrée » (qualificatif flou, non défini par le projet de nouveau RRU), ne s’appliquerait plus qu’aux projets de plus de 2.000 m² : chercher une densité équilibrée pour les « petits » projets ne serait-il pas nécessaire ?

Plus de dérégulation… pour donner plus de place aux voitures

Les modifications apportées aux articles portant sur les espaces publics suivent elles aussi la logique de la dérégulation… en faveur du maintien de la domination automobile. Sous la pression du lobby pro-voitures, bien représenté au sein de la majorité régionale, la « mesure phare » du projet de RRU version 2023, à savoir la limitation à 50 % maximum de l’espace public destiné à l’usage des voitures, a été évacuée. Elle laisse place à une formulation qui se contente de demander de « maximiser » l’espace dédié aux autres modes de déplacement et aux autres fonctions (végétalisation, fonctions de séjour) « en tenant compte du contexte ». Autrement dit, une norme quantifiable (même si à nos yeux insuffisante) de partage de l’espace public est donc remplacée par un vague objectif. Dans la même veine, le principe STOP (priorité aux piétons, puis aux cyclistes, ensuite aux transports publics et, en dernier lieu, aux voitures), présent dans la version de 2023, est lui aussi jeté aux oubliettes. Enfin, le stationnement en épi, clairement interdit dans la mouture précédente du projet de RRU, bénéficie d’une possibilité de maintien, à condition qu’il ne nuise pas à la sécurité routière, ce qui ouvre là aussi la porte aux interprétations.

Plus de dérégulation… pour plus d’arbitraire

En résumé, cette version « remaniée » du projet de nouveau RRU n’apporte aucune réponse aux principales critiques que nous avions formulées à propos de la version précédente. Pire, les quelques changements que nous avons recensés vont tous dans le sens d’encore plus de dérégulation, donnant le champ libre à l’arbitraire. Comme nous l’écrivions en 2023, le projet de nouveau RRU, loin de remettre en cause le dogme néolibéral du « laisser faire », ne fait au contraire que s’y soumettre, au mépris de l’urbanité et des enjeux sociaux et environnementaux.