Un débat public au rabais pour les projets de logements sociaux ? La proposition de Nawal Ben Hamou rejetée par Pascal Smet

Un débat public au rabais pour les projets de logements sociaux ? La proposition de Nawal Ben Hamou rejetée par Pascal Smet

Ce 22 septembre, l’ARAU réagissait à l’allocution prononcée au salon immobilier Realty par Nawal Ben Hamou, secrétaire d’Etat en charge du logement. Elle y avait affirmé sa volonté de supprimer la commission de concertation voire, dans certains cas, l’enquête publique, et de confier la délivrance des permis d’urbanisme directement au gouvernement bruxellois. Le 20 octobre, elle réaffirmait sa position sur le sujet, tout en précisant que ne seraient concernés que les dossiers de demande de permis de la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB), dans le but d’accélérer la production de logements sociaux

Faut-il moins de débat public et de publicité sur les « projets de logements sociaux » pour accélérer leur mise en œuvre ? Passer par la case de la « régression démocratique » pour répondre à un besoin d’intérêt général ? Le Vif a accordé quelques pages de débats à une proposition très contestable d’un point de vue politique, philosophique, juridique… et pratique. Les limites de cette proposition sont nombreuses et doivent être relevées, même par une association qui défend encore et toujours plus de logement social, dans tous les projets, y compris par sa participation aux commissions de concertation !

Cet entretien revient notamment sur l’importance du maintien de la Commission de concertation (CC), indissociable de l’enquête publique : un « package » connu sous le nom de « MPP – Mesures particulières de publicité », droit acquis de longues luttes urbaines, historiquement pilotées par l’ARAU dans le but de mettre fin à l’opacité des décisions urbanistiques.

Mais une géométrie variable du droit et de la procédure serait-elle légitime et possible pour accélérer la construction de logements sociaux ? Les fondations de cette proposition sont bancales pour 5 raisons très concrètes :

  1. La commission de concertation est une commission d’avis. L’avis rédigé par les membres de la commission (représentants d’administrations régionales et des communes concernées), après audition des demandeurs de permis et des éventuels opposants, est destiné à éclairer les autorités. Ce sont ces dernières et pas la commission, qui ont ensuite la responsabilité politique de la délivrance, ou non, du permis. Supprimer la Commission de concertation, c’est estimer que l’autorité n’a besoin ni de l’éclairage des administrations, ni de l’avis des habitants et associations.
  2. Un projet de logements sociaux comprend souvent des affectations complémentaires : un grand équipement public, des espaces verts publics, des commerces, des bureaux ou des activités productives, des parkings, sur lesquels il y a souvent des choses à (re)dire. Bref : scinderait-on le projet en plusieurs permis, pour faire avancer le projet de logements sociaux, indépendamment des autres affectations ?
  3. Les projets de logements sociaux de la SLRB sont en réalité, le plus souvent, des projets de logements à typologie variée, intégrant des logements moyens, de l’acquisitif… Là aussi, distinguerait-on le social « pur » en saucissonnant les demandes de permis ? Assez scabreux.
  4. Les projets de la SLRB sont aujourd’hui souvent le fruit de partenariats avec d’autres institutions et acteurs de la production de logements (citydev.brussels, les sociétés immobilières de service public au niveau communal, des promoteurs privés, etc… : exempterait-on de CC les seuls projets de la SLRB ? Dissocierait-on les types de logements dans la procédure de permis pour un même et unique projet ?
  5. Les projets publics méritent autant de transparence et de débats que tous les autres. Voire plus. Ils concernent d’ailleurs des ensembles historiquement importants tant au centre-ville, que sur les dernières grandes réserves foncières de la Région (Dames Blanches, Friche Josaphat). Imagine-t-on que des projets aussi importants soient à l’avenir exemptés de Commission de Concertation ?

Toutes ces raisons pratiques rendent de facto impossible la suppression des commissions de concertation pour les projets de logements sociaux. Recourir à des « procédures exceptionnelles » qui s’affranchiraient des MPP, comme Nawal Ben Hamou le demande, se heurterait en outre à un sérieux « écueil » juridique. Interpellé à ce sujet ce lundi 24 octobre au parlement, le secrétaire d’Etat en charge de l’urbanisme, Pascal Smet, a déclaré :

 

je ne vois pas comment l’autorité publique pourrait s’attribuer une procédure exceptionnelle pour réaliser ou construire du logement social. À mon avis, la Cour constitutionnelle ne l’acceptera jamais. […] Je ne soumettrai pas l’idée d’activer les pouvoirs spéciaux ou d’enclencher une procédure spécifique, même si cela peut paraître séduisant à première vue. Ce n’est pas une bonne idée et ne tient pas la route juridiquement.

Il est temps pour Nawal Ben Hamou de cesser d’accuser les procédures de concertation de tous les maux : cette instrumentalisation est absurde.

(voir la liste des projets de la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale SLRB • BGHM)

 

Source image : citydev.brussels – CityGate I, II, III – Vue aérienne avant 20180502 – © Gregory Halliday