Le projet de réaménagement de la Toison d’Or fait l’impasse sur le vrai problème : les tunnels

Le projet de réaménagement de la Toison d’Or fait l’impasse sur le vrai problème : les tunnels

Le projet contourne, littéralement, le principal problème : la présence des tunnels, véritables aspirateurs de trafic. La proposition de réaménagement se limite donc à des aspects « cosmétiques » qui ne remettent pas fondamentalement en question l’emprise de l’automobile et qui ne permettent ni de refermer la balafre qui coupe l’artère en deux, ni de remettre en valeur ses qualités patrimoniales. L’occasion de marquer un vrai changement est ratée.
L’ARAU demande donc à la Région de rectifier le tir et de lancer sans attendre l’élaboration d’un plan de « sortie des tunnels », à l’échelle de la Région, afin de programmer la fermeture définitive de ces infrastructures d’un autre âge.

La demande de permis introduite par Bruxelles mobilité sera examinée ce mercredi 31 mars en commission de concertation, suite à une enquête publique marquée d’une importante irrégularité, les documents n’ayant été mis en ligne que 7 jours seulement après le début de l’enquête. L’ARAU tient à réitérer sa demande de réorganiser celle-ci.

Le projet de réaménagement de l’avenue de la Toison d’Or et du boulevard de Waterloo s’inscrit dans une succession d’interventions de réaménagement sur la petite ceinture. Celles-ci consistent, pour la plupart, à la « simple » création de pistes cyclables et, plus rarement, à des interventions de plus grande ampleur (porte de Ninove, projet place Sainctelette…). Il manque toutefois d’une vision d’ensemble, ce qui amène notamment à des incohérences et à des zones d’ombre sur des tronçons essentiels comme la place Louise ou encore la porte de Namur (lire plus loin).
Il est regrettable que la Région n’ait pas effectué ce travail alors même qu’une très intéressante proposition, PetiteCeinture.be, a pu être développée par deux jeunes urbanistes.

Le projet de réaménagement de l’avenue de la Toison d’Or et du boulevard de Waterloo part néanmoins d’une bonne intention, qu’il faut saluer, en proposant des aménagements qui réduisent l’emprise de la voiture en surface et donnent plus d’espace pour les piétons et les cyclistes :

  • Réduction importante du nombre d’emplacements de parking en surface : de 380 à 17 (à noter que le périmètre compte 1716 (!) emplacements souterrains) ;
  • Réduction du nombre de bandes de circulation dans le tiers sud-ouest du périmètre de réaménagement (à gauche sur l’illustration ci-dessous, entre la place Louise et la tour « The Hotel ») ;
  • Élargissement important des espaces piétons et cyclistes sur le même périmètre.

En revanche, toute la partie nord-est du projet (entre la tour et la porte de Namur) est fortement contrainte par la présence des trémies d’accès des tunnels qui constituent une barrière infranchissable entre les deux « rives ».

Les tunnels et leurs trémies d’accès : une barrière qui empêche de reconnecter les deux « rives »

L’intérêt d’un projet de réaménagement de cet axe devrait résider, en grande partie, dans la création de meilleures connexions entre l’avenue de la Toison d’Or et le boulevard de Waterloo et, plus globalement, entre les quartiers du Pentagone et ceux situés de l’autre côté de la petite ceinture. A ce sujet, il faut également déplorer que la place Louise et la porte de Namur sont, de manière assez incompréhensible, exclues du périmètre du projet…

Les traversées y sont pourtant problématiques pour les transports en commun, les piétons et les cyclistes, et même dangereuses pour ces deux dernières catégories. Il est absolument nécessaire de les réaménager au plus vite !
La Région a fait ce constat depuis longtemps et a d’ailleurs inscrit dans Plan Régional de Mobilité Good Move la création de « magistrales piétonnes », réseau de grands itinéraires piétons à partir du centre-ville, dont 2 passant respectivement par la place Louise et la porte de Namur. Il n’y a donc pas de raison de remettre à plus tard le traitement de ces 2 zones.

La présence des tunnels ne permet pas une continuité des aménagements

Le rapport d’incidences de la demande de permis fait très peu cas, pour ne pas dire aucun, des aspects historiques. Sans défendre une vision passéiste, il serait tout à fait pertinent de repartir des qualités urbanistiques qui étaient celles de l’avenue de la Toison d’Or et du boulevard de Waterloo, avant qu’ils ne soient défigurés par le percement des tunnels, pour développer un projet de réaménagement. Encore une fois, la présence des tunnels et de leurs trémies d’accès empêche la continuité tout au long de l’axe (sans parler de la continuité sur l’ensemble de la petite ceinture).

Le tronçon de l’avenue de la Toison d’Or compris entre la place Louise et la tour « The Hotel » est ainsi traité presque comme une (demi) place alors que le reste du périmètre se contente uniquement d’un « lifting » de part et d’autre des 9 (!) bandes de circulation maintenues dans le projet… On peut avoir des doutes quant à la pérennité d’une telle approche, qui ne paraît pas compatible avec la libération de l’espace public qui viendra, tôt ou tard, avec la fermeture des tunnels.

Les tunnels, aspirateurs de trafic automobile

Les infrastructures routières, comme les tunnels, les viaducs et les autoroutes urbaines, agissent comme un « appel d’air » pour le trafic automobile. Autrement dit, plus il y a de capacité routière, plus il y a de trafic. L’inverse se vérifie également : une réduction de la capacité entraîne une diminution du trafic. Ces phénomènes sont bien connus et bien documentés depuis plusieurs années sous le nom de trafic induit/trafic déduit (voir notamment le travail de vulgarisation de la RTBF dans ce dossier).

L’idée de « recouvrir » les trémies de la Toison d’Or, un temps envisagée sous la législature 2009-2014 mais abandonnée en 2014, ne serait donc qu’un cache misère : enterrer les voitures permettrait certes de récupérer beaucoup d’espace public en surface mais n’aurait aucun effet sur le trafic induit puisqu’une très grande capacité routière serait maintenue.

Les parkings sont, eux aussi, des aspirateurs à voitures. Le projet de Bruxelles Mobilité prévoit la suppression de 363 places en surface : une belle avancée qui ne doit toutefois pas faire oublier les 1716 (!) emplacements souterrains. Une source de trafic qu’il faudra aussi tarir à l’avenir.

La Région doit, dès aujourd’hui, lancer un plan de « sortie des tunnels »

En 2015-2016, Bruxelles a connu une « crise des tunnels » : la vétusté de nombreux ouvrages, et les problèmes de sécurités conséquents, ont été mis au grand jour. De nombreux débats ont eu lieu, allant jusqu’à l’organisation d’une « commission spéciale tunnels » au parlement bruxellois ! Pour l’ARAU, cette « crise » aurait dû être l’occasion d’en finir avec ces infrastructures héritées de l’ère dépassée du « tout à la voiture ». Las, la Région a décidé de les pérenniser en s’engageant dans un plan pluriannuel d’investissement de plus de 700 millions d’euros…

La nouvelle majorité issue des élections de 2019 n’a malheureusement pas (pour l’instant) remis en question la décision prise sous la législature précédente. Le projet de réaménagement de l’avenue de la Toison d’Or et du boulevard de Waterloo met en lumière les lourdes conséquences des politiques de mobilité, décidées il y a des décennies, qui continuent de peser sur la ville d’aujourd’hui et de demain. L’ARAU exhorte la Région à changer son fusil d’épaule en abandonnant les dépenses dans la rénovation des tunnels (hormis les travaux d’entretien strictement nécessaires à garantir la sécurité) et en s’engageant dans un plan de « sortie des tunnels » permettant de s’en affranchir au plus vite.

En résumé, l’ARAU demande :

  • D’intégrer la place Louise et la porte de Namur au projet de réaménagement (ou, à tout le moins, que la Région propose rapidement des projets de réaménagement de ces deux traversées) ;
  • Que le projet actuel soit conçu de manière à être compatible avec un réaménagement complet de l’espace public, de façade à façade, qui interviendra une fois les tunnels fermés et les trémies d’accès comblées (le plus tôt possible !) ;
  • Que la Région cesse les dépenses de rénovation des tunnels (hormis les travaux d’entretien strictement nécessaires à garantir la sécurité) et s’engage dès aujourd’hui dans un plan de « sortie des tunnels ».