L’avenue Louis Bertrand et ses abords menacés par un projet rétrograde : abattage de 108 arbres, suppression des pavés, maintien de la prédominance automobile

L’avenue Louis Bertrand et ses abords menacés par un projet rétrograde : abattage de 108 arbres, suppression des pavés, maintien de la prédominance automobile

Porté par la commune de Schaerbeek, le projet de réaménagement de l’avenue et de ses abords est un non-sens sur les plans environnementaux, patrimoniaux, et de la mobilité. Abattre les arbres, réduire les surfaces végétalisées, supprimer des pavés et maintenir le stationnement n’apportent aucune réponse à la crise environnementale. L’avenue Louis Bertrand mérite une rénovation et un entretien à la mesure de sa valeur patrimoniale et des enjeux environnementaux. L’ARAU demande à la Région de recaler ce projet d’un autre temps.

Le projet de la commune va à l’encontre des exigences environnementales actuelles. D’une part, l’abattage des 108 platanes (en bonne santé !) et leur remplacement par d’autres essences ne semblent justifiés que par la volonté communale de diminuer la fréquence et donc le coût de l’élagage de ces arbres. Une position indéfendable à l’heure de l’urgence climatique. D’autre part, la diminution des surfaces végétalisées (1400m² de moins) constitue un recul dans le cadre de la lutte contre les inondations, mais aussi contre les îlots de chaleur ! Pour répondre à ces enjeux, il faut conserver les arbres et maintenir, voire augmenter, les surfaces végétalisées.

 

L’avenue Louis Bertrand vue depuis la chaussée de Haecht (photo juin 2021)

Par ailleurs, l’ARAU, comme d’autres associations, s’étonne du manque d’ambition de la commune de Schaerbeek en matière de promotion de la mobilité active et de diminution de l’emprise de la voiture sur l’espace public : le projet maintient les quatre bandes de stationnement, et réduit de moins de 10% seulement le nombre d’emplacements. Il ne réduit pas la largeur des voiries dédiées à la circulation des véhicules et n’augmente presque pas celle des cheminements piétons : les trottoirs latéraux conservent les mêmes dimensions, tandis que les cheminements piétons sur la berme centrale gagnent… 10 cm de chaque côté. Le tout au détriment des surfaces végétalisées (les 1400 m²), sans que les surfaces dédiées à la voiture soient remises en question ! Une réelle avancée, vraiment ?

 

Situation actuelle des deux voiries latérales de l’avenue Louis-Bertrand : deux bandes de stationnement des deux côtés de la route, une bande cyclable marquée dans le sens de la montée, et une bande cyclable suggérée dans celui de la descente (photos juin 2021).

Ce statu quo pose question : il est contraire au principe STOP, et au Plan régional de Mobilité (PRM) « Goodmove ». L’avenue y fait partie du réseau auto « quartier », du réseau piéton « plus », et du réseau vélo « confort ». Le trafic automobile de transit y est donc exclu, au profit d’une desserte uniquement locale, et son aménagement doit permettre d’offrir plus d’espace et de confort aux modes actifs de déplacement. Rééquilibrer le partage de l’espace public de l’avenue Louis Bertrand au profit de ceux-ci et au détriment de la voiture est donc une nécessité pour respecter ce plan !

Pire encore : côté berme centrale, les bandes de stationnement et les trottoirs seraient établis au même niveau, en saillie par rapport à la voirie. Pour distinguer ces deux espaces, le projet ne prévoit aucun dispositif physique. Cet aménagement constitue donc un danger pour les piétons, et est en totale contradiction avec l’une des fonctions premières du trottoir : protéger les piétons des véhicules !

 

Les plans de la commune de Schaerbeek prévoient de mettre au même niveau (et avec le même revêtement) trottoirs et places de stationnement, en saillie par rapport à la chaussée, sans aucun dispositif physique pour les distinguer. Une source de danger pour les usagers faibles ! (source : Carnet de détails techniques – documents relatifs au projet).

La note explicative justifie cette disposition par la volonté de pouvoir, au besoin, supprimer ces bandes de stationnement et ainsi augmenter la surface dédiée aux cheminements piétons. Pourquoi ne pas poser un geste fort et simplement supprimer dès à présent les deux bandes de stationnement le long de la berme centrale ? Procéder de la sorte permettrait ainsi d’élargir la berme centrale, pas seulement au profit des piétons, mais aussi en faveur de la surface végétalisée.

 

Louis Bertrand

La suppression du stationnement le long de la berme centrale ne serait finalement qu’un retour – partiel – à l’aspect initial de l’avenue, à en croire les cartes postales du début du 20e siècle. En la débarrassant des véhicules qui l’encadrent habituellement, elle permettrait aussi de remettre en valeur la perspective formée par la berme centrale et ses massifs de fleurs et d’arbustes, qui participent à l’esthétique du site et contribuent à son intérêt patrimonial et urbanistique.

 

L’avenue Louis Bertrand avant 1914 (©Collection Dexia Banque – ARB – RBC). Dégagée, la perspective se détache plus clairement et la courbe de la berme centrale est mise en valeur.

Enfin, en marge de l’avenue Louis Bertrand, la demande de permis comprend aussi la suppression du revêtement pavé des rues Hancart et François Degreef, qui longent la nef de l’église Saint-Servais. Cette mesure ne se justifie absolument pas :

  • D’un point de vue pratique d’abord, les rues Hancart et François Degreef ne sont pas des rues « passantes », où l’importante vitesse des véhicules sur les pavés pourrait être source de bruit. Les pavés sont d’ailleurs un moyen efficace d’inciter les conducteurs à réduire leur vitesse.
  • Le revêtement pavé actuel a été refait très récemment. Il convient de l’entretenir correctement et régulièrement, et de le réparer là où c’est nécessaire. Le remplacer entièrement par de l’asphalte témoignerait d’un manque de vision à long terme dans le chef de la commune.
  • On rappellera aussi le coût environnemental que constitue l’asphaltage d’une artère, et l’avantage écologique à conserver (et entretenir) les pavés – matière première sur place ! – reconnus pour leur durabilité et leur solidité.
  • Enfin, les pavés doivent être considérés comme partie intégrante du patrimoine bruxellois. Ils contribuent à la mise en valeur des édifices qu’ils bordent et participent au « cachet » des lieux et à l’esthétique générale des quartiers où ils sont conservés. Remplacer ces pavés par de l’asphalte conforterait une tendance à la banalisation d’espaces publics pourtant remarquables, amoindrissant la valeur patrimoniale de ces quartiers.

 

La rue François Degreef et ses pavés bordent l’église Saint-Servais, récemment rénové. Le revêtement en pierres naturelles permet de mettre en valeur l’édifice (photo juin 2021).

Tel que conçu par la commune de Schaerbeek, le plan de réaménagement de l’avenue Louis Bertrand et de ses abords ne peut être approuvé. D’une part, l’abattage d’arbres adultes en bonne santé, la réduction des surfaces végétalisées sur l’avenue ou le remplacement des pavés par de l’asphalte dans les rues Hancart et François Degreef constituent un non-sens écologique. D’autre part, le projet ne remet pas en question l’emprise de la voiture sur l’espace public, et n’apporte que peu d’améliorations pour les modes actifs.

Pour l’ARAU, la commune de Schaerbeek manque d’ambition : il faut aller beaucoup plus loin et poser un geste fort en supprimant les bandes de stationnement qui longent la berme centrale. Cette disposition permettrait de ne pas devoir rogner sur les surfaces végétalisées, d’élargir les trottoirs et les cheminements piétons, et de redonner son éclat à la berme centrale : la perspective majestueuse de l’avenue Louis Bertrand, reconnue pour son intérêt urbanistique, paysager et patrimonial, serait ainsi soulignée !

La commune de Schaerbeek ne doit pas manquer l’occasion de concevoir un projet qui s’inscrive dans la durabilité et dans le respect de son propre patrimoine. Le projet actuel développe des objectifs obsolètes inacceptables en termes environnementaux, paysagers et patrimoniaux. Un nouveau projet doit être remis sur le métier pour prouver que patrimoine, mobilité active, exigences environnementales et convivialité sont tout à fait compatibles… voire indissociables !