Projet de démolition du Palais du Midi : retour sur une réunion d’information pour le moins… déconstruite

Projet de démolition du Palais du Midi : retour sur une réunion d’information pour le moins… déconstruite

Ce mardi 12 décembre avait lieu une réunion d’information sur la demande de permis « pour la déconstruction du Palais du Midi ». Retour sur une soirée qui nous a laissés perplexes, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme : une « réunion déconstruite », un statut plus que flou

Première surprise : en guise de réunion, ce sont des « tables de discussions » qui sont proposées au public : aucune séance « plénière » lors de laquelle le projet aurait pu être présenté, à l’aide de supports visuels, ce qui aurait pourtant été indispensable pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec le dossier et les procédures de demandes de permis. Compte-tenu du caractère exceptionnel de la procédure (issue d’une ordonnance adoptée spécialement), un historique et une contextualisation sont pourtant plus que nécessaires. Des documents, en format papier, sont disposés sur les tables. Mais aucune copie n’est distribuée au public et les photos sont plus ou moins interdites. Il faudra donc prendre note à la volée pour garder en mémoire que sont fugitivement passés dans nos mains : étude historique, inventaire patrimonial, plans ou encore ligne du temps de la procédure. Tout cela aurait dû figurer dans une présentation générale, à rendre publique et accessible. Dans un souci de transparence, ces documents doivent être rassemblés et publiés, sans attendre l’enquête publique.

La « réunion d’information » débute par deux « tables de discussions », organisées en parallèle : l’une sur le projet de « déconstruction », l’autre sur l’étude d’incidences environnementales (EIE). Il faut donc choisir sa table (avec toutefois la possibilité de permuter ensuite, chaque table étant organisée deux fois). Il n’est donc pas possible d’entendre les questions et remarques de l’ensemble du public, ni les réponses des représentants de la STIB et des bureaux d’études, qui sont les « présentateurs » des deux tables. Aucune note n’est prise par les organisateurs de la réunion : on nous annonce qu’aucun PV ni compte-rendu n’est prévu… Pourtant, l’avis qui annonçait la réunion indiquait qu’elle avait notamment pour objectif de « permettre au public d’émettre ses observations sur le projet » : il nous est répondu que les remarques formulées oralement ne seront pas considérées ! On comprend donc qu’il est impératif de les formuler par écrit, dans les 15 jours qui suivent la réunion, si on veut être « entendu ». Le suivi qui sera donné à ces remarques écrites n’est pas clair : comment et par qui seront-elles consignées et traitées ? Le chargé de l’EIE nous dit qu’il suppose qu’elles apparaitront, peut-être, dans l’EIE (pratique apparemment de mise en région wallonne). Pourtant l’avis d’annonce de la réunion indiquait qu’elle devait « permettre au public de mettre en évidence, le cas échéant, les points particuliers qui pourraient être abordés dans l’étude d’incidences ». Il faudra donc attendre l’enquête publique pour savoir si l’EIE intègre ou pas les remarques formulées par le public. Un des deux groupes du public (mais pas l’autre) apprend cependant que le cahier des charges de l’EIE doit être bouclé une semaine plus tard alors que le délai pour formuler les remarques est encore de deux semaines !

Pour rappel, avant la réforme du CoBAT de 2017, les cahiers des charges des EIE faisaient l’objet de mesures particulières de publicité et donc un avis de la commission de concertation qui indiquait notamment quelles alternatives devaient être étudiés. Un avis à valider par le comité d’accompagnement de l’EIE qui se compose, dans le cadre de la demande de permis actuelle, d’Urban et de la Direction Patrimoine et Culture, de Bruxelles Environnement, de la Ville de Bruxelles, mais, a priori, pas de Bruxelles Mobilité. Pour un projet de métro, cela (d)étonne : une des nombreuses infos glanées en vol à vérifier ! La réunion d’information de ce 12 décembre n’entre pas dans les procédures définies et encadrées par le CoBAT. Elle est prévue dans le texte de l’ordonnance « fast track » mais rien n’y est indiqué quant à son statut ou à sa valeur juridique…

Le deuxième temps de la soirée est consacré à 3 autres « tables de discussion » : projet de réaménagement de l’avenue de Stalingrad, état d’avancement du chantier, mesures d’accompagnement. Elles ont également lieu en parallèle, ce qui ne permet à nouveau pas d’entendre les interventions de l’ensemble du public. Le public passe d’une salle à l’autre, des discussions « informelles » s’engagent dans les couloirs et la salle de « buffet » ce qui contribue encore plus à diluer l’information…

Sur le fond : une demande de permis limitée à la « déconstruction » du Palais du Midi, pas question de remettre en question le métro

La demande de Permis d’urbanisme porte uniquement sur la « déconstruction » du Palais du Midi, pas sur le tunnel dont les plans ne changent pas (seule la technique d’exécution change). En conséquence, l’EIE, à ce stade, n’envisage l’analyse que des alternatives suivantes :

  • Alternative 0 : on ne démolit pas le Palais du Midi mais le tunnel est construit avec une méthode de construction en sous-œuvre, telle qu’initialement prévue (dans la 2e partie de la soirée, la STIB nous répète, comme elle l’a déjà maintes fois dit, que ce n’est pas réaliste : trop cher, trop long, trop incertain).
  • Alternative de démolition complète (y compris, donc, des façades) : pourquoi pas, tant qu’on y est !
  • Alternative avec reconstruction : pour rappel, la Ville de Bruxelles, n’a toujours pas dévoilé ses intentions quant à une reconstruction (quelle forme ? quelles fonctions ?). Il faudra donc attendre la publication de l’EIE, au moment de l’enquête publique, pour savoir quelle hypothèse de reconstruction sera étudiée…

Concernant la « période de transition » (après démolition, avant reconstruction), la STIB propose, dans la demande de permis, un aménagement temporaire (parc, terrain de sport) qui ne serait toutefois mis en œuvre que dans le cas où la Ville de Bruxelles ne serait pas en mesure de procéder à la reconstruction dans la foulée de la fin du chantier de la STIB. Cet aménagement temporaire est présenté comme un « jardin » à l’intérieur du bâtiment façadisé (évidé). Avant et pendant la démolition, de grands étançons (type ceux actuellement installés place De Brouckère) seraient apposés tout le long des façades pour les soutenir (sur l’espace public des trottoirs actuels). Après démolition et pendant la « période de transition », ces étançons seraient déplacés à l’intérieur du « bâtiment » démoli…

Concernant les aspects patrimoniaux, on apprend que :

  • En complément de l’étude historique qui avait été commanditée par la Ville de Bruxelles pour la restauration des façades (2021), une nouvelle étude historique a été réalisée par les bureaux SUM Project et Barbara Van der Wee Architects (datée du 14-07-2023) : il est possible de la feuilleter rapidement mais, à l’instar de tous les autres documents présentés lors de la soirée, elle n’est pas publique…
  • Un inventaire des « éléments patrimoniaux » a été dressé : on apprend que les verrières de la salle de boxe et du passage du travail et qu’un escalier monumental en granito à double volet mériteraient une « sauvegarde ». On apprend également que le passage du travail ainsi que ses façades intérieures mériteraient également d’être protégées.
  • Un inventaire des « matériaux et éléments réutilisables » a été dressé. Les « présentateurs » insiste par exemple sur le fait que les récents panneaux solaires qui ont été posés sur les toits du Palais seront bien réutilisés par la Ville de Bruxelles.

Concernant le chantier, on nous dit que le déplacement des impétrants est délicat et fait l’objet d’un suivi particulier. Une cabine à haute tension devrait aussi être déplacée du Palais du Midi vers l’espace public : une autorisation actée dans le permis, délivré cet automne, de réaménagement de l’avenue de Stalingrad. Lors de la table de discussion « chantier » est également mentionné un « inventaire amiante ». La STIB informe le public que des sondages ont été effectués dans certaines parties du bâtiment (façades, dalles de planchers, etc.) et que certains sont toujours en cours de réalisation. Enfin, on nous informe que des éléments de la façade seront « démontés » pour permettre le passage des engins de chantier ; mais la localisation des parties démontées de la façade n’est pas claire (le « présentateur » ne s’attarde pas sur ce point et la discussion passe à un autre sujet) : on croit néanmoins comprendre qu’un de ces passages aurait lieu au niveau du Passage du Travail.

Principales remarques et demandes de l’ARAU sur « les points particuliers qui pourraient être abordés dans l’étude »

  • Étudier l’alternative de non-réalisation du tunnel et donc de non-réalisation du métro 3 et donc :
    • Étudier l’alternative Prémétro +, avec passage des trams 51 et 82 en surface entre le boulevard du Midi et la gare du Midi afin de supprimer le « cisaillement » au niveau du complexe souterrain Lemonnier. Ce qui implique de finaliser « simplement » les travaux en cours sous l’espace public pour consolider le sous-sol… Une grande « boîte vide » pour laquelle il faut aussi étudier une affectation.
  • Réaliser un bilan carbone de l’opération de démolition-reconstruction. Même si le projet de reconstruction n’est pas connu, se baser sur l’hypothèse de l’« alternative avec reconstruction ». Comparer ce bilan-ci avec celui d’une rénovation du Palais du Midi.
  • Réaliser une analyse détaillée des impacts socio-économiques (l’EIE sur la 1ère demande de permis était à ce sujet bien trop peu détaillée et étayée).