Le projet de métro 3 se prend la réalité en face

Le projet de métro 3 se prend la réalité en face

Deux ans après l’enquête publique sur la première demande de permis pour l’extension nord (construction d’un tunnel, de 7 stations et d’un dépôt), le contexte a encore évolué en défaveur du projet : explosion du coût et des délais, projections démographiques à nouveau revues à la baisse, poursuite des mutations des pratiques de mobilité, arrêt de deux des trois chantiers en cours, saucissonnage de la ligne de tram 51… Autant d’éléments nouveaux qui rendent l’abandon du projet de métro 3 plus nécessaire encore qu’il ne l’était déjà. D’autant plus qu’il existe des alternatives moins chères, plus rapides à mettre en œuvre, qui n’impliquent pas de détruire la vie des quartiers et qui répondent mieux aux besoins des usagers.

Le mardi 26 mars prochain aura lieu la réunion de la commission de concertation portant sur la demande de permis modifiée pour l’extension nord du projet de métro 3 (construction d’un tunnel, de 7 stations et d’un dépôt). Une première enquête publique avait eu lieu au printemps 2022, suivie d’une réunion de la commission de concertation qui avait débouché sur un avis favorable, assorti de 200 conditions, portant presque exclusivement sur les aménagements de surface et d’autres aspects accessoires. À la suite de cette procédure, l’administration régionale de l’urbanisme avait demandé au demandeur du permis, Beliris, de modifier ses plans afin de répondre à 151 conditions qu’elle avait fixées. Ce sont ces plans modifiés qui sont aujourd’hui soumis à l’avis de la commission de concertation.

Notre analyse ne portera pas sur l’examen de ces modifications. Celles-ci ne concernent en effet que des aspects accessoires de mise en œuvre du projet, comme l’accès des stations ou encore l’aménagement de leurs abords (pour un aperçu de ces modifications, consulter le site du projet de métro 3). Comme nous le répétons depuis plus de 10 ans, c’est le principe même du projet de métro 3 qui doit être questionné et débattu, une opinion de plus en plus partagée à mesure que les « déboires » s’accumulent et que les impacts négatifs s’exposent au grand jour.

Ces derniers peuvent se résumer comme suit :

  • Coût exorbitant mettant en péril de nombreux autres projets (pas seulement en matière de mobilité), voire menant la Région à la faillite ;
  • Chantiers pharaoniques s’étalant sur de longues années, menaçant la survie des quartiers touchés ;
  • Réorganisation du réseau de la STIB au détriment de nombreux usagers : correspondances supplémentaires, temps de parcours allongés, baisses de fréquences, difficultés d’accès aux stations très profondes, etc. ;
  • … tout cela pour un effet quasi nul sur la diminution du trafic automobile !

Face à de tels enjeux, demander aux habitants, comités et associations de se prononcer sur le déplacement de sanitaires, le positionnement des cages d’ascenseur ou encore le type de plantations relève d’un total déni de la réalité. Cette déconnexion du réel apparaît d’autant plus flagrante que le contexte du projet de métro 3 a fortement évolué ces deux dernières années, rendant sa remise en question plus nécessaire encore qu’elle ne l’était déjà.

Explosion du budget, stagnation démographique, chantiers destructeurs, « aléas techniques », dégradation du réseau de trams… : le projet de métro 3 confronté à la réalité

En 2022, notre avis rendu dans le cadre de la précédente enquête publique insistait sur les changements de contexte intervenus depuis le lancement du projet de métro 3, au début des années 2010, en particulier sur le budget (en forte hausse) et sur les projections de fréquentation de la ligne (en forte baisse). Entre l’enquête publique du printemps 2022 et aujourd’hui, ce contexte a encore évolué en défaveur du projet de métro 3 :

  1. Le coût estimé a doublé et atteint (pour l’instant) 4,7 milliards !
  2. Les délais ne cessent de s’allonger
  3. Les projections démographiques ont (à nouveau) été revues à la baisse
  4. Les pratiques de mobilité continuent à évoluer : le recours accru au télétravail et le « boom » de la pratique du vélo ont une influence majeure sur la fréquentation des transports en commun
  5. Deux chantiers sur trois sont à l’arrêt, le Palais du Midi est menacé de démolition
  6. La ligne de tram 51 a été saucissonnée : premier acte de la dégradation du service

En moins de deux années, du printemps 2022 à aujourd’hui, la crédibilité du projet de métro 3 s’est effondrée, alors qu’elle n’était déjà pas bien élevée (pour rappel, aucun expert indépendant n’a jamais défendu ce projet, que le monde académique bruxellois critique vivement). L’opinion publique, pour autant que nous puissions la mesurer, a également évolué : les doutes, que l’on peut aussi lire de plus en plus souvent dans la presse, voire les oppositions franches, se manifestent de manière toujours plus vive là où, il y a quelques années, ils n’émanaient que d’une minorité bien informée.

Développer les alternatives sans attendre l’officialisation du constat de décès du métro 3

En mai 2023, Beliris, en charge de la partie Nord du métro 3 (gare du Nord – Bordet), lançait un fameux pavé dans la mare en transmettant une note au gouvernement où figurait l’option d’abandonner le projet, les trois autres options consistant à : mettre en « pause » le projet, le modifier de manière conséquente (ex : diminuer le nombre de stations) ou continuer (comme si de rien n’était). Quelques mois plus tard, le gouvernement annonçait plancher sur des alternatives au métro 3 : il s’agit, selon le gouvernement, de solutions « en attente » du métro 3.

Au lieu de se focaliser sur le déplacement de sanitaires, le positionnement des cages d’ascenseur ou encore le type de plantations, la demande de permis actuelle doit être mise à profit pour étudier ces alternatives. Il ne s’agit pas de limiter l’analyse au seul tronçon nord mais bien de l’étendre à l’ensemble du périmètre concerné par le projet de métro 3. C’est dans cette perspective qu’une vingtaine d’associations et de comités d’habitants ont développé la proposition Prémétro + (une autre nouveauté depuis l’enquête publique de 2022) qui consiste, en synthèse, à :

  1. Offrir plus de liaisons directes (sans correspondances) entre les quartiers du nord, du centre et du sud de la Région ;
  2. Augmenter les fréquences et la capacité sur l’axe du prémétro Albert – gare du Nord ;
  3. Le tout sans nécessiter la création d’infrastructures lourdes supplémentaires.

Arrêter de se voiler la face : le déni politique ne rend ni service aux Bruxellois, ni à la crédibilité de la Région

Continuer à plaider pour la poursuite du projet de métro 3 relève d’une totale déconnexion du réel : il faut arrêter de se voiler la face et affronter la réalité. Depuis plus de dix ans, l’ARAU tire la sonnette d’alarme et plaide pour l’abandon du projet : une opinion de plus en plus partagée, au point que l’administration en charge de la partie nord du projet, Beliris, a pour la première fois émis la possibilité de cet abandon…

L’abandon du projet de métro 3 ne signifie pas l’abandon des usagers, à qui on avait promis monts et merveilles ; c’est au contraire l’opportunité de mieux répondre à leurs intérêts, avec des alternatives plus rapides à mettre en œuvre, offrant plus de liaisons directes, de meilleures fréquences et plus de capacité qu’actuellement. L’abandon du projet de métro 3 permettra en outre de ne pas ruiner la Région et de lui laisser les moyens de financer d’autres projets, en matière de mobilité mais aussi dans d’autres domaines où les besoins sont criants, comme la politique du logement abordable, la rénovation énergétique des bâtiments ou encore la réfection d’espaces publics. Bref, l’abandon du projet de métro 3, c’est tout bénéf’ pour Bruxelles et les Bruxellois : un message certainement plus crédible, et bientôt politiquement plus porteur (?), que les promesses qui ne pourront plus tenir très longtemps face à la réalité.

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