Projet de métro 3 : stop à ce gouffre financier !

Projet de métro 3 : stop à ce gouffre financier !

La proposition du ministre Sven Gatz de puiser des fonds dans l’enveloppe Beliris, au détriment d’autres projets de mobilité, est irresponsable. Bruxelles n’a pas les moyens d’investir dans un mauvais projet : il est encore temps d’arrêter les frais et de mettre en œuvre une alternative bien meilleure et bien moins chère pour améliorer la mobilité des Bruxellois.

Depuis plusieurs années, comités d’habitants, associations et experts indépendants du monde académique alertent, de manière répétée, du danger que fait peser le projet de métro 3 sur les finances régionales (lire, notamment, la carte blanche publiée par Le Vif le 15 décembre dernier « Le projet de métro Nord plombe les finances bruxelloises »).

Ce 23 janvier, le journal l’Echo revient sur le sujet en se demandant « Comment la Région bruxelloise va-t-elle financer l’extension du métro ? ». Alors que le projet de métro 3 a été lancé il y a maintenant plus de 10 ans, cette question, qui aurait pourtant dû occuper une place fondamentale dans les réflexions en amont, n’a toujours pas de réponse…
En septembre 2015, déjà, le ministre de la Mobilité de l’époque, Pascal Smet, faisait part de ses craintes devant le Parlement : « Nous disposons de moyens sous la forme de crédits régionaux et de subsides Beliris, mais ils seront insuffisants pour financer ce projet estimé à 1,2 milliard d’euros. ».

La proposition du ministre Sven Gatz est irresponsable

Près de 7 ans plus tard on en est toujours au même stade (à la différence que le projet est aujourd’hui estimé, selon les dernières sources officielles, à quelques « petites » centaines de millions de plus…). Interrogé par l’Echo, le ministre en charge des Finances et du Budget, Sven Gatz, déclare qu’« il ne sera plus tenable de continuer à investir, hors budget, 500 millions d’euros par an dans la mobilité ». Sa solution : consacrer l’entièreté de l’enveloppe « mobilité » de Beliris (c.-à-d. des fonds fédéraux au profit de Bruxelles), soit 125 millions d’euros par an, au seul projet de métro 3. Actuellement, l’accord Beliris prévoit de financer le projet de métro 3 à hauteur de 50 millions par an pendant 10 ans. Quid, alors, des autres projets de mobilité, actuels et futurs, (parmi lesquels on peut citer le Réseau vélo +, les réaménagements de la Toison d’Or et du boulevard Lambermont ou encore la requalification en boulevard urbain de l’A12) bénéficiant d’une enveloppe annuelle de 75 millions ? Seront-ils purement et simplement abandonnés ? Mis « en pause indéterminée » ?

Mais les conséquences ne s’arrêtent pas là puisque Sven Gatz, toujours dans l’Echo, prévient que « Même comme ça, il y aura encore des montants difficiles à boucler. Le solde devrait être intégré dans les investissements réguliers et il faudra faire des économies ailleurs. » La menace de « définancements », de reports sine die ou d’abandons de projets en cours ou à venir est donc bien réelle ! Les discours « rassuristes », entendus ces dernières années, prétendant que le projet de métro 3 ne mettrait pas à mal d’autres développements (comme par exemple toute une série de nouvelles lignes de tram, soutenues par l’ARAU) deviennent difficiles, pour ne pas dire impossibles, à croire…

Il est temps de mettre un terme au gouffre financier qu’est le projet de métro 3

Pour l’ARAU, les déclarations du ministre en charge des Finances et du Budget doivent constituer un signal : celui qu’il est temps de mettre un terme au gouffre financier qu’est le projet de métro 3. Il n’est pas trop tard pour arrêter les frais : mettre un stop au projet de métro 3 est parfaitement réaliste, tant « techniquement » que politiquement.

Du point de vue « technique », il faut rappeler que la phase Nord du projet (soit la création d’un tunnel et de 7 nouvelles stations entre la gare du Nord et Bordet, indépendante de la partie Sud) n’a pas démarré et qu’elle n’a d’ailleurs même pas encore de permis ! Pour la partie Sud (Albert-gare du Nord), les travaux actuellement en cours ne sont nullement irréversibles : l’arrêt des chantiers n’empêche pas d’exploiter le prémétro tel qu’actuellement (moyennant toutefois le rétablissement de l’accès au niveau -2 de la station Albert pour le tram 51), ni d’y apporter les améliorations que nous demandons.

D’un point de vue politique, l’abandon du projet de métro 3 ne signifie pas de « perdre la face ». Au contraire, nos représentants politiques ont tout à gagner à reconnaître les erreurs qui ont été commises par le passé. La décision de lancer le projet de métro 3 a été prise sous la législature 2009-2014 : depuis lors, les choses ont changé, non seulement pour le projet de métro 3 (qui a vu ses coûts et ses délais de réalisation exploser) mais aussi dans nos vies, notamment en matière de mobilité.

Changer de cadre au profit d’une meilleure mobilité pour tous les Bruxellois

Il est bien sûr nécessaire de continuer à investir dans le développement de l’offre de transports en commun afin de rendre un meilleur service aux usagers, l’ARAU ne cesse de le répéter. Mais le projet de métro 3 n’est pas une bonne manière de le faire. Notre analyse n’est pas un point de vue isolé : elle est partagée par plusieurs spécialistes en mobilité du monde académique et même… par la Commission européenne qui, en 2015, recommandait, comme le rappelait récemment une carte blanche, « d’améliorer la vitesse du réseau existant, plutôt que de dépenser des grandes sommes sur la construction d’une nouvelle ligne de métro ». C’est dans ce sens qu’il faut aller, et c’est dans ce sens que vont nos propositions d’alternatives au projet de métro 3, comme celles que nous avions formulées en 2019 à l’issue d’ateliers citoyens : « 11 propositions pour améliorer la ligne de tram 55 et la desserte de Schaerbeek et Evere ». Le temps des infrastructures lourdes comme le métro (mais aussi comme les tunnels routiers) est révolu : leur construction et leur entretien n’est plus soutenable, tant du point de vue financier que de leur bilan environnemental (des milliers et des milliers de mètres cubes de béton à produire) ou encore de leur impact sur les quartiers qui subissent d’interminables chantiers.

La vision dogmatique pro-métro doit faire place au principe de réalité, y compris financière, chiffres et budgets à l’appui ! Il est plus que temps, pour nos représentants politiques, de changer de cadre : l’ARAU ne peut que les encourager à prendre une nouvelle voie, au profit d’une meilleure mobilité pour tous les Bruxellois.