À quand une vision cohérente et régionale pour le Tracé Royal ?

À quand une vision cohérente et régionale pour le Tracé Royal ?

Le projet de la STIB de renouvellement des voies rue de la Régence et de mise aux normes des arrêts « Petit Sablon » apporte des améliorations pour les usagers. Mais le périmètre très restreint de cette intervention est symptomatique du manque de vision d’ensemble et le manque de coordination entre les acteurs de l’urbanisme bruxellois. L’ARAU demande la régionalisation de cet axe et du Tracé Royal dans son ensemble.

Le projet de la STIB

Il s’agit d’un projet de réaménagement partiel de la rue de la Régence : outre le renouvellement des voies, la STIB prévoit en effet la mise aux normes des deux arrêts « Petit Sablon » (via la création d’un arrêt de type « sablier »), la requalification de leurs abords immédiats (notamment en ce qui concerne les matériaux et le mobilier urbain), ainsi que le renouvellement de l’éclairage public le long de l’artère.

 

Situation actuelle de l’arrêt « Petit Sabon » rue de la Régence (source : GoogleMaps – Streetview)

 

Tout d’abord, la mise aux normes des arrêts implique l’élargissement des trottoirs afin d’assurer la sécurité et le confort des usagers et de rendre possible la montée et la descente des PMR, via la création d’un arrêt de type « Sablier ». Afin d’éviter de créer une sorte de « S » peu harmonieux qui romprait la perspective de l’avenue, la STIB a demandé de déplacer l’arrêt vers Louise en face de l’autre, devant le Conservatoire de musique. Cet élargissement des trottoirs permet en outre de faire passer les cyclistes derrière les abris sur une « bande préférentielle », évitant ainsi tout conflit avec les usagers des transports en commun en attente.

 

(Source : Note explicative relative au projet)

 

En ce qui concerne les matériaux, il faut remarquer que le projet respecte le caractère patrimonial du lieu en faisant la part belle aux pierres naturelles et en assurant une cohérence des matières et des couleurs : dalles et pavés de pierre bleue pour les trottoirs, pavés de granit pour les « bandes préférentielles », bordures de pierre bleue et pavés porphyre pour le site propre du tram. Le projet permet aussi de supprimer les divers « rafistolages » subis par l’artère au fil du temps (notamment les retouches en macadam parmi les pavés).

 

(Source : Note explicative relative au projet)

Trois demandes de permis… en moins de 500 mètres ?

L’objet n’est évidemment pas de critiquer le projet de la STIB, qui constitue une amélioration pour la sécurité et le confort des usagers. En premier lieu, l’ARAU regrette que le projet de réaménagement ne concerne qu’une petite partie de la rue de la Régence (les arrêts et leurs abords, et le site propre du tram). D’une part, il est regrettable que la STIB n’ait pas souhaité inclure dans sa demande de permis la requalification des deux arrêts « Royale », situés devant les Musées Royaux des Beaux-Arts. D’autre part, s’agissant d’une voirie communale, n’était-il pas envisageable que la STIB et la Ville de Bruxelles s’entendent afin de proposer un plan de requalification complète de l’artère ? Un tel plan permettrait par exemple d’assurer la cohérence des aménagements, tout au long de l’axe, notamment au niveau des matériaux utilisés. Il donnerait aussi l’occasion de penser la continuité des itinéraires cyclables.

Enfin, il apparait que le réaménagement de la place Royale et celui de la rue de la Régence se feront de manière totalement indépendante l’un de l’autre : une situation absurde, dans la mesure où les travaux de la Place Royale concerneront aussi… une partie de la rue de la Régence ! En effet, comme indiqué précédemment, le projet prévoit de requalifier « l’entrée » de la place côté rue de la Régence, notamment en élargissement les trottoirs pour y faire passer les cyclistes. Or le projet de réaménagement de la rue de la Régence ne dit rien sur la manière dont il se raccordera aux plans de restauration de la Place Royale (continuités piétonnes et cyclistes, matériaux utilisés, etc.).

 

Périmètres d’intervention de Beliris (projet de réaménagement de la rue Royale), de la STIB (projet de remplacement des voies de la rue de la Régence ET de requalification des arrêts « Royale », pour lesquels aucune demande de permis n’a encore été déposée) et de la Ville de Bruxelles.

Plaidoyer pour un masterplan du Tracé Royal

La rue de la Régence, la Place Royale et même, plus loin, la rue Royale font partie d’un parcours plus large qu’on appelle « Tracé Royal », qui relie en 7 km la place Poelaert et le château de Laeken . Il s’agit d’un axe d’importance régionale dont la valeur patrimoniale est reconnue.

Sachant cela, la multiplication des demandes de permis pour des sites faisant partie d’un même tracé donne l’impression que les différents acteurs n’ont pas souhaité se concerter afin de proposer un projet cohérent, permettant de rendre sa superbe à ce Tracé Royal en assurant la cohérence des aménagements (place des différents modes, choix des matériaux et du mobilier urbain, éclairage, etc.). Chacun agit dans sa sphère de compétence, multipliant les demandes de permis pour des travaux parfois très limités, au risque de mettre en péril les continuités (piétonnes, cyclistes, matérielles, paysagères, etc.) des lieux.

Cette manière de procéder témoigne d’un manque de vision d’ensemble pour cet axe emblématique et structurant : afin de garantir des (ré)aménagements cohérents, respectueux du patrimoine et compatibles avec la mobilité active, pour l’ensemble des artères qui composent le parcours, l’ARAU appuie la demande de la CRMS de réaliser un masterplan pour le Tracé Royal, lequel comprendrait

 

une étude historique sérieuse et une analyse fine du contexte patrimonial, ainsi qu’une vue globale et concertée des différents projets de voirie développés dans le quartier (en ce compris ceux de la STIB) pour garantir également la bonne intégration des marges/raccords des projets entre eux.

Cette demande n’est pas neuve : en 1995, la Fondation Roi Baudouin avait mis au point une « charte d’aménagement » du Tracé Royal . Dès l’introduction, l’ouvrage insistait sur l’importance d’une vision cohérente pour un axe comme celui-ci et sur les problèmes liés à la multiplicité des acteurs :

 

ce tracé nécessite un programme urbain qui rende de la cohérence à l’ensemble et qui constitue un élément structurant pour la ville. Long de sept kilomètres environ, le tracé royal traverse trois communes, relève de plusieurs niveaux de pouvoirs et de logiques fonctionnelles qui peuvent paraitre contradictoires. […] l’objectif de la Fondation est principalement de mener une opération qui permette d’obtenir un consensus sur un traitement cohérent de l’espace public, afin qu’il puisse être à nouveau perçu comme une des épines dorsales de la ville, et de veiller à ce que ce consensus se matérialise sur le terrain.

Conclusion : réglementer et régionaliser

Aujourd’hui, les objectifs n’ont pas changé : le Tracé Royal doit être considéré comme un axe urbain structurant ; le réaménagement de ses composantes doit être pensé en fonction de cette appartenance à ce parcours d’importance régionale, aux qualités patrimoniales reconnues. Pour assurer cette cohérence des aménagements, il est nécessaire de disposer d’un programme d’ensemble, d’une vision claire et partagée par les acteurs concernés, s’appuyant sur des études historiques et morphologiques du tracé et proposant un vocabulaire commun des aménagements (mobilier, matériaux, éclairage, etc.). Tout projet de réaménagement devra par la suite se conformer à ce programme.

Régionaliser les axes accueillant des lignes de tram est le meilleur levier pour garantir une vision cohérente dans l’aménagement et la gestion de ces espaces publics, via la diminution du nombre d’instances concernées. L’idée avait d’ailleurs été amenée par la STIB, qui envisageait cette option dans le but d’augmenter la vitesse commerciale de ses véhicules .