Lancement d’une procédure européenne pour sauver le Palais du Midi

Lancement d’une procédure européenne pour sauver le Palais du Midi

Dépôt d’une candidature au programme « 7 Most Endangered Monuments » organisé par Europa Nostra, fédération paneuropéenne du Patrimoine

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Le 8 juin 2023, le gouvernement régional prenait la décision de démolir l’intérieur du Palais du Midi pour poursuivre le chantier du métro 3. Cette démolition signifierait la destruction des tissu urbain et social de tout un quartier, qui se verrait privé d’une grande partie de ses activités commerciales, éducatives et sportives. Depuis cette annonce, habitants, associations, commerçants se retrouvent confrontés à une volonté politique d’invisibilisation et de marginalisation du patrimoine matériel et immatériel que constitue le Palais du Midi. Ce « négationnisme patrimonial » tente d’occulter la valeur architecturale des intérieurs du bâtiment, en omettant délibérément d’y faire référence, tout en refusant de reconnaître que la force du lieu tient à la multiplicité des usages et activités hébergées en son sein.

Il est impératif de démonter les discours, remplis de préjugés, qui affirment qu’au-delà des façades, le Palais du Midi et ses activités ne méritent pas d’être sauvegardés, qu’on pourrait les sacrifier. Ces discours ne reposent sur aucun fondement éthique ni scientifique.

Afin de mettre en lumière et de protéger ses spécificités architecturales, son histoire industrielle et collective, son intérêt social et sa portée immatérielle, l’ARAU a déposé, en juillet 2023, une demande de classement du Palais du Midi, intérieurs compris. Le gouvernement régional n’a, pour l’instant, pas encore pris de décision quant à une éventuelle ouverture de la procédure de classement.

C’est dans ce contexte qu’a été déposée la candidature du Palais du Midi au programme « 7 Most Endangered Monuments » piloté par Europa Nostra, fédération paneuropéenne du Patrimoine. Cette candidature, basée un travail documentaire minutieux, vise à rappeler l’urgence d’une protection patrimoniale de ce « palais du peuple » d’un hectare en plein centre-ville. Elle permet aussi de mieux sensibiliser le grand public et les autorités à la valeur de ce patrimoine.

Dans un très court terme, l’objectif de la mobilisation autour de cette candidature, est d’éviter que toutes les activités aujourd’hui accueillies dans le Palais ne soient forcées de déménager, dans une totale opacité de décisions : en désertant les lieux, on vide le bâtiment de son sens, on lui retire sa raison sociale. La continuité des occupations fait justement la force du Palais du Midi depuis 150 ans ! Il convient donc d’exiger à la Ville de Bruxelles plus de transparence dans la programmation des opérations de déménagement et de rénovation du bâtiment.

Quatre idées reçues à déconstruire sur le Palais du Midi

L’histoire du Palais du Midi, son rôle social dans le quartier et au-delà, souffrent d’un manque cruel de connaissance et de reconnaissance. Plusieurs idées reçues circulent en effet à l’égard du Palais du Midi : il s’agit de les déconstruire !

Il n’y aurait presque plus d’éléments « d’époque » dans le Palais du Midi : on peut donc faire table rase
Cette attitude vis-à-vis d’un bâtiment public historique n’est pas pertinente : elle reviendrait à considérer que les rénovations successives et les adaptations du lieu à l’évolution des fonctions qu’il a abrité (sans aucune interruption dans son utilisation publique) seraient sans valeur. Or, ce qui fait justement la richesse de ce lieu est le « télescopage » d’époques et de fonctions, d’usages. Les interventions ultérieures à la construction du Palais du Midi (à la fin des années 1920 et 1970 principalement) ont-elles aussi une valeur et constituent des périodes de référence dans l’histoire du lieu. On se réfère ici à la rénovation de Maurice Van Ysendyck (architecte qui a également reconstruit l’hôtel communal de Schaerbeek) qui a adapté le bâtiment pour y abriter les services administratifs de la Ville de Bruxelles à partir de 1927, mais aussi à l’implication dans les années 1970-80 des frères André et Jean Polak (fils du Michel), connus pour avoir travaillé sur l’Atomium, et qui contribuèrent aussi à l’adaptation du Palais du Midi en complexe sportif de la Ville de Bruxelles.

Au-delà de ces interventions remarquables, relevons que de nombreux éléments d’origine ont été maintenus, entre autres au niveau des façades et des toits (mais pas seulement), et qu’il conviendrait bien évidemment de les identifier et de les protéger. La Ville de Bruxelles a justement fait réaliser une étude historique en 2021, et cette dernière constitue une bonne base pour développer ce travail de relevé et de conservation !

Le bâtiment serait complètement « désuet » et obsolète
Quelques recherches dévoilent rapidement que la Ville de Bruxelles et la Région ont continuellement et régulièrement investi dans l’entretien et l’adaptation du bâtiment pendant un siècle, des années 1920 jusqu’aux années 2020. Pour ne citer que les plus récents investissements : rénovation du parquet et des tribunes en 2012, rénovation des devantures commerciales en 2014, projet de restauration patrimoniale des façades, d’une partie des toitures et des verrières en 2019, installation de nouveaux marquoirs et inauguration d’une salle de boxe thaïe en 2020, peinture des toitures en 2021. Notons que ce qui a fait le plus défaut ces dernières décennies (et le plus de tort pour l’image du bâtiment actuellement) est le manque d’entretien des façades. Mais c’est justement pour cela que la récente étude historique (2021) avait été commanditée…

Les façades seraient de toute façon sauvées et préservées, seuls les intérieurs seraient démolis
Les façades du bâtiment ainsi que celles du Passage du Travail (passage public au milieu du Palais du Midi, aujourd’hui condamné) ne bénéficient aujourd’hui d’aucune mesure de protection. L’ampleur de l’opération de façadisme (un périmètre de plus de 450 m, sans compter le Passage du Travail !) et la lourdeur des travaux envisagés peuvent faire craindre une très forte fragilisation et déconsolidation des façades d’origine.

Le Palais du Midi n’abrite que des fonctions « ordinaires »
Parce qu’il est un bâtiment « utilitaire » regroupant des fonctions considérées non « prestigieuses », comme des équipements collectifs populaires (écoles, complexe sportifs…), le Palais du Midi serait « ordinaire », et donc sans valeur. Cette posture nie l’importance du patrimoine social des usages et l’identité d’un lieu, constitutif de la cohérence et de l’intégrité de son patrimoine !

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