Place Rouppe n°4 : patrimoine sauvé, parking public supprimé, "vrais" logements créés

Place Rouppe n°4 : patrimoine sauvé, parking public supprimé, "vrais" logements créés

Le travail des associations et la mobilisation des habitants payent !

La nouvelle version du projet immobilier à l’angle de la place Rouppe et de la rue Van Helmont est bien meilleure que celle d’il y a 5 ans. Les 116 logements étudiants (purs produits d’investissement) ont fait place à 36 « vrais » logements, le parking de 200 places a été réduit à 24 emplacements et la maison néoclassique du n°4 de la place Rouppe, initialement vouée à la démolition, est sauvée ! Ce nouveau projet n’aurait pas pu émerger sans le travail des associations et la mobilisation des habitants.

En mai 2017, l’ARAU et les autres comités et associations regroupés au sein de la Platform Pentagone (créée en réaction au projet de piétonnier) prennent connaissance d’un projet immobilier à l’angle de la place Rouppe et de la rue Van Helmont. Dès la lecture du libellé de l’enquête publique, on comprend immédiatement qu’il s’agit d’un très mauvais projet. Celui-ci prévoit en effet la construction de 116 logements étudiants (purs produits d’investissement), la démolition injustifiée d’une maison néoclassique et, « cerise sur le gâteau », la création d’un parking public de 200 places. A l’époque, la Ville de Bruxelles soutient ce projet de parking comme un moyen de « remplacer » un projet abandonné de parking public sous la place Rouppe (qui faisait partie d’un « plan d’ensemble » de création de 4 nouveaux parkings publics le long du miniring ceinturant le piétonnier). Plus tard, la Ville argumentera que ce parking permettrait de « compenser » une suppression des emplacements en surface lors d’un éventuel réaménagement de la place Rouppe, argument non fondé étant donné le nombre déjà pléthorique de places de parking dans le centre-ville. Un premier communiqué, au nom de la Platform pentagone, est alors rapidement envoyé à la presse pour dénoncer l’absurdité de ce parking et ses effets néfastes.

Le 21 juin de la même année, la commission de concertation se réunit pour examiner le projet. Nous y réitérons notre opposition au parking mais aussi à la démolition de la maison néoclassique dont l’intérêt historique et patrimonial est totalement (et sciemment !) ignoré par le demandeur du permis, qui ne la voit que comme une entrave à la bonne réalisation du parking. Dans la foulée, et avant que la commission de concertation ne rende son avis, nous publions une analyse plus fournie pour alerter du « saccage patrimonial » que serait la démolition de cette maison : Place Rouppe : patrimoine néoclassique sacrifié pour un parking public ? La commission de concertation rend finalement son avis le 5 juillet. Si le parking n’est malheureusement pas remis en cause, une condition est toutefois émise à propos de la maison : « maintenir la maison sise place Rouppe, 4 à l’exception des annexes » ! On peut alors croire qu’on a quand même gagné quelque chose… mais cet espoir sera rapidement déçu.

En juin 2018, une « nouvelle version » du projet est soumise à l’enquête publique. Les modifications apportées sont mineures : les 116 logements étudiants sont toujours là, de même que le parking de 200 places… et le projet prévoit toujours la démolition de la maison néoclassique ! A la lecture des documents, on comprend que le fonctionnaire délégué de la Région n’a pas imposé au demandeur du permis de maintenir la maison, contrairement à l’avis (non contraignant) de la commission de concertation. La Platform Pentagone se remobilise sur le dossier en vue de la concertation fixée au 3 juillet. Un historien, qui travaille alors à IEB, produit une note qui démonte complètement une « étude historique » pour le moins complaisante, commandée par le demandeur du permis, qui prétend qu’il n’y a pas de problème à démolir la maison néoclassique. De son côté, l’ARAU lance une pétition en ligne qui recueille très rapidement plus de 2.000 signatures et qui en comptera finalement plus de 3.000.
Le 3 juillet 2018, la commission de concertation rend un avis favorable au projet : contrairement à son avis de 2017, le maintien de la maison ne figure pas parmi les conditions. On reste alors sans nouvelles des suites données à la demande de permis… jusqu’à aujourd’hui.

Un nouveau projet bien meilleur, qui n’aurait pas vu le jour sans le travail des associations et la mobilisation des habitants

Le 12 janvier de cette année, une enquête publique est lancée sur une nouvelle version du projet. Les modifications sont conséquentes :

  • Les 116 logements étudiants font place à 36 « vrais » logements, de typologies variées (10 studios, 13 appartements 1 chambre, 5 appartements 2 chambres et même 8 maisons unifamiliales de 2 à 3 chambres) ;
  • Le parking public de 200 places est réduit à 24 emplacements destinés aux logements ;
  • La maison néoclassique du n°4 de la place Rouppe est maintenue !

Ce nouveau projet constitue une très nette amélioration par rapport à celui de 2017-2018. Les documents de la demande de permis actuellement soumis à l’enquête n’expliquent cependant pas ce qui a motivé ces profonds changements (on y apprend seulement, à propos du projet de 2017-2018, que « cette demande a été retirée par le demandeur le 27/09/2021 »). Mais on peut raisonnablement penser que, sans le travail des comités et des associations et la mobilisation des habitants, à travers la pétition, le projet de 2017-2018 aurait reçu le feu vert de la Région qui s’était prononcée, à plusieurs reprises, en faveur de celui-ci : deux avis favorables de la commission de concertation, une décision du fonctionnaire délégué dans le même sens et même un permis d’environnement délivré !

L’évolution positive de ce projet place Rouppe est un exemple de ce qu’apporte à la ville le travail des associations et la mobilisation des habitants. Lutter contre les mauvais projets est une condition nécessaire à l’émergence de meilleurs projets : quand l’ARAU s’oppose à un projet, ce n’est jamais, comme certains entendent parfois nous le reprocher, dans l’intention de « tout bloquer », de « figer » la ville. Au contraire, des changements sont indispensables pour améliorer l’environnement urbain et pour répondre, au mieux, aux intérêts et aux besoins des Bruxellois.

On peut espérer qu’aujourd’hui la Région et la Ville de Bruxelles refusent fermement que des projets comme celui de 2017-2018 puissent encore se développer. Depuis cette époque, des évolutions ont pu être observées dans le discours des autorités politiques, notamment contre le recours trop systématique aux opérations de démolition-reconstruction. Mais la plus grande vigilance et la nécessité de continuer à lutter restent évidemment de mise, l’issue plutôt heureuse de ce projet place Rouppe étant très loin d’être monnaie courante…