Nouvelle version du projet Brouck’R : moins haut mais toujours pas à la hauteur

Nouvelle version du projet Brouck’R : moins haut mais toujours pas à la hauteur

Suite à de vives contestations, Immobel a dû réviser ses plans : malgré certains « progrès » par rapport aux versions précédentes (suppression de la rehausse, disparition de l’hôtel), le nouveau projet n’est toujours pas à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux. Pour y répondre, il faudra passer par la suppression du parking et par la création d’une part significative de logements abordables (en particulier sociaux). L’ARAU demande à la Région d’imposer ces conditions au promoteur.

La principale modification apportée nouvelle version du projet Brouck’R du promoteur Immobel est la disparition de la rehausse initialement prévue côté place De Brouckère (voir image ci-dessous) et, conséquemment, la suppression de l’hôtel qui y était envisagé. Cette modification répond à une demande de la Région, exprimée comme suit : « Ne pas réaliser la réhausse en toiture projetée sur les immeubles de la place de Brouckère n°12-30 et établir une typologie classique de toiture à versant tenant compte des caractéristiques architecturales des façades existantes (notamment les lucarnes en façade) et s’inspirant du rythme du parcellaire originel. ». Pour rappel, cette demande de la Région de modifier le projet faisait suite à la suspension par le Conseil d’Etat du permis octroyé le 8 juillet 2021.

Hormis la disparition de l’hôtel, le programme du projet n’a été qu’assez peu modifié : la principale différence étant l’augmentation de (tout de même) 3.924 m² des superficies de bureaux.

L’analyse que nous publiions en mars 2020 reste donc en grande partie d’actualité, moyennant les précisions qui suivent.

Pourquoi le maintien de ce qui a échappé à la démolition n’est-il pas envisagé ?

Le bâtiment à l’angle de la place De Brouckère et de la rue des Augustins a échappé à la démolition (qui s’est principalement opérée entre la délivrance du permis et l’arrêt du Conseil d’Etat). Dans une interview publiée par Le Soir ce 1er février, le directeur général d’Immobel, Adel Yahia, confiait que « Immobel ne se lance[rait] plus dans les démolitions-reconstructions ». Cette déclaration ne vaut manifestement pas pour le projet Brouck’R puisque le dossier de la demande de permis actuelle n’aborde pas la possibilité du maintien de ce bâtiment dans le projet. Si cette option est à exclure pour des motifs impérieux (comme par exemple des problèmes de stabilité), Immobel doit en apporter la preuve. Dans le cas contraire, l’ARAU demande le maintien et la rénovation de ce bâtiment.

176 logements classiques + 129 logements étudiants = 0 logement abordable !

Pas de changement en matière d’« abordabilité » : le nouveau projet ne comporte toujours aucun logement conventionné et/ou social. Depuis le lancement de la première version du projet, la question de l’urgence de la crise du logement a pourtant connu un regain d’attention médiatique et politique. A ce sujet, le secrétaire d’Etat en charge de l’urbanisme, Pascal Smet, a plusieurs fois fait part de sa volonté d’imposer un quota de logements sociaux dans les « grands » projets immobiliers privés. Sans attendre de nouvel outil réglementaire, il est essentiel que le projet Brouck’R comporte un nombre significatif de logements abordables (en particulier sociaux, y compris pour les logement étudiants) : a minima, l’ARAU demande que l’entièreté des charges d’urbanisme soit consacrée à cette fin.

169 places de parking en plein piétonnier, c’est beaucoup trop !

Malgré le « dégonflement » du projet (disparition de l’hôtel), le nombre de places de parking n’a pas été revu à la baisse. Même si un « effort » a été consenti depuis la première version (qui comptait 201 emplacements), c’est toujours beaucoup trop pour une zone piétonne très bien desservie en transports en commun et où les parkings foisonnent déjà. Le rapport d’incidences (RIE) indique que « la localisation du projet au sein du réseau de transport en commun est de nature à permettre le fonctionnement de l’activité bureau sans réalisation de stationnement » ; cette analyse peut très bien s’appliquer aux autres fonctions du projet (logements, logements étudiants, commerces). Le RIE souligne aussi que :

 

la création de nouvelles places de parking hors-voirie créera également un appel d’air en termes de recours à la voiture individuelle, étant donné les facilités et le confort d’utilisation que cela favorisera chez les futurs occupants. En outre, la construction du parking nécessitera des matériaux dont la production et la mise en œuvre engendreront d’importantes émissions de gaz à effet de serre, en particulier, du fait de l’utilisation d’une grande quantité de béton.

Pour ces raisons, l’ARAU réitère sa demande de ne créer aucun parking pour voitures individuelles.

Le stock de bureaux à Bruxelles est trop élevé, pourquoi en rajouter ?

D’après l’interview au Soir citée plus haut, le directeur général d’Immobel considère que le stock de bureaux à Bruxelles est trop élevé (une analyse partagée par l’ARAU). La nouvelle version du projet Brouck’R propose pourtant d’en rajouter près de 4.000 m² par rapport à la version précédente… Pour aider Immobel à faire preuve de cohérence, l’ARAU demande que la proportion de bureaux ne soit pas augmentée et que ces 4.000 m² soient consacrés à des logements (sociaux !).

Conclusion : moins mauvais ≠ bon

Entre la première version du projet, soumise à l’enquête publique début 2020, et cette dernière (?) version, des évolutions positives sont à noter : suppression de la rehausse qui aurait porté atteinte au patrimoine, disparition de l’hôtel qui aurait contribué à augmenter la pression touristique sur le centre-ville, diminution du nombre de places de parking. Ces « progrès » ne suffisent toutefois pas à faire oublier les défauts majeurs qui persistent. Malgré l’irréversibilité de la démolition de la quasi-totalité de l’îlot, il est encore possible pour Immobel de s’inscrire dans une voie répondant mieux aux enjeux sociaux et environnementaux. Pour ce faire, il faudra passer par la suppression du parking et par la création d’une part significative de logements abordables (en particulier sociaux) : la Région doit imposer ces conditions au promoteur. Dans le cas contraire, l’ARAU continuera à combattre ce projet.