Rempart des Moines : l’urbanisme de la table rase est inacceptable !

Rempart des Moines : l’urbanisme de la table rase est inacceptable !

Soumis à l’enquête publique début 2022, le projet de démolition-reconstruction du site de logements sociaux du Rempart des Moines (aussi connu sous le nom de 5 blocs) sera, dans une version « modifiée », à nouveau soumis à l’avis de la commission de concertation (qui se réunira… le 26 juillet). En 2022, l’ARAU demandait le maintien de la salle de sport et des arbres et une forte diminution de la densité et du nombre de places de parking. Spoiler : le « nouveau » projet ne change en rien sur ces points.

Construit dans les années 1960, l’ensemble de logements sociaux (313 unités) a cruellement souffert d’un manque d’entretien et de rénovation. A tel point que la société de logements sociaux (SISP) le Logement Bruxellois et la Ville de Bruxelles envisagent aujourd’hui sa démolition (pour plus de détails, voir notre analyse du 10 février 2022 Rempart des Moines : tout casser pour tout caser ?). Le projet aujourd’hui soumis à l’enquête publique n’apporte que des modifications marginales par rapport à celui de 2022 : relocalisation d’un commerce, légère réorganisation du stationnement vélo, modification du traitement architectural de certaines façades…

100 % logements sociaux ? Aucune garantie !

Dans la première version du projet, on comptait 201 logements sociaux (partie développée par le Logement Bruxellois) et 132 logements moyens (partie développée par la régie foncière de la Ville de Bruxelles). Alors que cette répartition reste quasi inchangée dans le projet actuel (201 et 131), la note explicative de la demande de permis indique pourtant que tous les logements prévus seraient des logements sociaux, sans apporter d’autre explication qu’un « voir échanges entre URBAN et la Régie Foncière de la Ville de Bruxelles » (échanges dont il n’y a aucune trace dans le dossier de demande de permis). Quelles sont les garanties que les logements de la régie foncière seraient bien mis en location aux conditions du logement social à des ménages inscrits sur la liste d’attente ? Quel type d’accord a-t-il été conclu ? Encore très récemment (le 6 février 2023), l’ex-secrétaire d’Etat Pascal Smet déclarait pourtant au parlement que « les logements prévus sont divisés en logements sociaux et moyens »… La seule façon de garantir la présence pérenne de vrais logements sociaux sur la totalité du site est que la régie foncière se retire du projet au profit du seul Logement Bruxellois.

13.000 m² de constructions supplémentaires au cœur d’un quartier déjà très dense et en carence d’espaces verts

Le projet envisage une très forte augmentation de la densité du bâti, de près de 13.000 m², soit une augmentation de 47,7 % ! C’est certes moins que dans la version précédente (où l’augmentation se chiffrait à 62,7 %) mais cela reste bien trop élevé compte tenu de la densité de population de ces quartiers (en forte croissance ces dernières années) et de la carence en espaces verts.

Zone de carence espace vert accessible au public
Zone de carence espace vert accessible au public

Pour s’intégrer dans le quartier et ne pas le surdensifier, le projet doit être sérieusement revu à la baisse et compter le même nombre de m² que les bâtiments existants (26.470 m²). Qui dit moins de m² dit certes moins de logements, alors que le besoin de logements sociaux est toujours plus criant (plus de 50.000 ménages sur la liste d’attente) : ce n’est pas pour autant qu’il faut remplir à outrance les sites comme celui du Rempart des Moines. Les locataires sociaux ont eux aussi le droit de « respirer » !
Pour compenser la perte du nombre de logements, d’autres sites, situés dans des quartiers bien moins dense et bien plus riches, doivent être mobilisés. On pense par exemple au terrain des Dames Blanches à Woluwe-Saint-Pierre, où le nimbysme de la commune bloque depuis des décennies un projet qui pourrait pourtant produire plusieurs centaines de logements sociaux.

Abattage de 67 arbres sains et démolition d’une salle de sport d’à peine 20 ans

La forte augmentation de la densité implique non seulement la démolition des immeubles de logement mais aussi celle de la salle de sport (inaugurée en 2002) et l’abattage de 67 arbres, dont 5 sont reconnus comme remarquables. Une telle négation des qualités existantes du site est incompréhensible et totalement antiécologique : démolir une salle de sport en très bon état pour en reconstruire une neuve est tout simplement absurde, de même que d’abattre des arbres sains pour en replanter d’autres… En revoyant la densité à la baisse il est parfaitement possible d’intégrer de nouvelles constructions sans devoir faire tabula rasa.

188 places de parking en plein centre-ville « apaisé » : où est la cohérence ?

Outre l’abattage et les démolitions, le projet rajoute encore une couche antiécologique en prévoyant 176 places de parking supplémentaires sur le site. Où est la cohérence alors que la Ville de Bruxelles s’est dotée d’un plan de circulation censé « apaiser » les quartiers du Pentagone ? Ces 176 emplacements supplémentaires auraient non seulement pour effet de générer un trafic automobile accru mais leur construction engendrerait, elle aussi, d’importantes émissions de gaz à effet de serre pour la production, l’acheminement et la mise en œuvre des matériaux. Il est d’ailleurs incompréhensible qu’aucun bilan carbone ne figure dans le dossier de demande de permis. Une quantification des émissions de gaz à effet de serre générées par le parking, l’abattage et les démolitions-reconstructions est pourtant indispensable pour juger de l’(in)adéquation du projet aux objectifs climatiques.

Améliorer l’environnement existant au lieu de le dégrader

Remplacer 313 logements sociaux exigus et insalubres par 201 logements sociaux plus grands et répondant aux normes d’habitabilité actuelles est, sur le papier, un projet qui pourrait parfaitement se justifier : densité raisonnable, amélioration des conditions de logement, possibilité de maintenir/créer des espaces végétalisés de pleine terre, etc. L’ajout, par la régie foncière, de 131 logements supplémentaires fait vaciller cet équilibre et conduit à un projet qui fait table rase des qualités existantes (salle de sport, arbres) et qui dégraderait l’environnement du site et du quartier (densité bien trop élevée, génération de trafic automobile par la présence du parking).

Concrètement, l’ARAU demande :

  • De maintenir le nombre actuel de m² de constructions sur le site (26.470 m²) ;
  • Que tous les logements sur le site soient de vrais logements sociaux (gérés par le Logement Bruxellois ; la régie foncière de la Ville de Bruxelles doit donc se retirer du projet) ;
  • De maintenir les arbres et la salle de sport existants ;
  • De supprimer le parking projeté.

Il faut repenser le projet sur base du « déjà-là », dans le respect du cadre de vie des habitants et de l’environnement.