Opération de démolition-reconstruction promue par la Commune de Saint-Josse-ten-Noode : le marché public rue Botanique doit être revu !

Opération de démolition-reconstruction promue par la Commune de Saint-Josse-ten-Noode : le marché public rue Botanique doit être revu !

Début 2022, l’ARAU a été informé d’un marché public de service, lancé par la Commune de Saint-Josse-ten-Noode. À la lecture du cahier des charges, l’ARAU a pris connaissance des grandes lignes du projet : la démolition de quatre maisons néoclassiques (51-57 rue Botanique), actuellement propriétés communales, et leur remplacement par un ensemble de 8 logements. Les soumissionnaires pouvaient déposer leur offre pour le 28 janvier dernier via le site de la commune.

Alors que le Collège n’a pas encore sélectionné de candidat, et parce que nous sommes encore bien en amont de l’instruction d’un permis, l’ARAU interpelle la Commune pour éclaircir les contours de la décision en faveur d’une démolition, d’autant plus que :

  • Cet îlot n’est pas inconnu à l’ARAU, dans l’histoire de la lutte pour (la rénovation du) logement ;
  • Le contexte patrimonial néoclassique n’est pas anodin et est a priori connu des services de la Commune…
  • … de même que les impératifs environnementaux et l’importance d’intégration de bilans carbone en amont des projets de démolition !

La manœuvre a en effet de quoi surprendre : s’il appartient à la commune de présenter le programme attendu sur ces parcelles ainsi que le contexte urbanistique et planologique, on peut s’étonner du parti pris des moyens, à savoir la démolition des bâtiments existants ! Pourquoi avoir évacué l’option de la rénovation et imposé un projet de démolition ?

Il appartient aux candidats de penser les possibilités en termes de réaffectation, rénovation, ou de démolition, en fonction des attentes programmatiques de la Commune, et au futur adjudicataire du projet de déterminer ou non si la démolition de l’existant est nécessaire, sur base notamment d’un bilan carbone en bonne et due forme. Toutefois, la démolition des maisons parait d’autant moins justifiée que l’affectation du futur bâtiment ne changera pas : en l’occurrence, la commune souhaite en effet voir démolir des logements… pour reconstruire du logement ! Partir de l’existant doit dès lors devenir le mot d’ordre pour ce genre d’opération. Est-il encore nécessaire de rappeler que, tant pour des raisons urbanistiques qu’environnementales et patrimoniales, la rénovation doit devenir la règle, et la démolition-reconstruction l’exception ?

Sauvées une première fois… et intégrées à un projet public de rénovation du logement

Les quatre maisons de la rue Botanique font partie d’un ensemble de bâtiments qui, dans les années 70, ont échappé de peu aux griffes de la promotion immobilière et à la démolition, grâce à la ténacité du comité de quartier et à l’aide des associations ! Le « sauvetage » du quartier Botanique occupe, en ce sens, une place symbolique dans l’histoire des luttes urbaines bruxelloises : un petit quartier, pas plus de quatre îlots, ayant été miraculeusement préservé, en marge du tristement célèbre quartier Nord.

Il faut continuer dans sur cette perspective et être cohérent avec les volontés politiques passées, qui ont œuvré en faveur de la préservation de ce bâti, appuyées par des revendications fortes d’habitants et de comités ! On ne peut oublier l’histoire locale et balayer de la sorte les années d’efforts d’un comité, d’associations mais aussi d’autorités publiques, pour la préservation de la ville habitée. Choisir, aujourd’hui, de démolir ces maisons, c’est participer à une négation de l’histoire d’un quartier, qui souffre par ailleurs déjà des conséquences urbanistiques des grandes démolitions du tristement célèbre quartier Nord qui le jouxte.

Patrimoine néoclassique en danger, une fois de plus

À l’exception de certaines « émergences » des Trente Glorieuses et reliquats de la bruxellisation, le patrimoine néoclassique prédomine encore aujourd’hui dans cette partie de la commune. En cela, et malgré les modifications qu’elles ont pu subir au fil du temps, les maisons de la rue Botanique participent à cet effet d’ensemble et à l’homogénéité architecturale du quartier.

 

Le quartier autour de la rue Botanique. En rouge, les quatre maisons menacées de démolition (Source : Streetview sur GoogleMaps).

 

Emblématique de Bruxelles (il s’agit du style architectural le plus représenté dans le Pentagone et les communes de première couronne, comme Saint-Josse-ten-Noode), ce patrimoine néoclassique forme un paysage urbain à part entière, qui a été petit à petit reconnu par la Région. Les autorités communales doivent jouer un rôle exemplaire et se porter garantes de la protection du patrimoine. Que la Commune de Saint-Josse avance si facilement dans un projet de démolition de quatre maisons néoclassiques renvoie un signal très inquiétant, tant sur le plan patrimonial qu’environnemental !

Conclusion

L’ARAU s’interroge et attend des explications : pourquoi ce revirement dans le chef de l’administration communale ? Comment justifie-t-elle le parti pris de la démolition, sur base de quel diagnostic ? Il n’est pas acceptable de faire la promotion de l’« option démolition-reconstruction » : le marché public doit être annulé et un nouveau relancé, en exigeant de travailler en maintenant les maisons existantes, tout à fait compatibles avec le logement.

Rappelons qu’il y a un peu moins d’un an, la Commune rendait un avis négatif sur une demande de permis relative à la construction d’un immeuble de huit étages en lieu et place de quatre maisons néoclassiques, rue de la Pacification. L’ARAU ne peut qu’espérer un raisonnement similaire de la part de la Commune et souhaiterait ne pas devoir écrire l’épisode 3 de sa série « Dans les quartiers denses, la Bruxellisation, ce n’est pas que du passé ! ».