Les bâtiments à l’angle de la rue du Marais et de la rue des Sables sont (presque entièrement) sauvés : la fin d’un long combat mené par l’ARAU

Les bâtiments à l’angle de la rue du Marais et de la rue des Sables sont (presque entièrement) sauvés : la fin d’un long combat mené par l’ARAU

Après plus de 10 ans, le combat de l’ARAU pour la sauvegarde du remarquable ensemble à l’angle de la rue du Marais et de la rue des Sables touche à sa fin. Si le nouveau projet, actuellement soumis à l’enquête publique, est loin d’être parfait (démolition des toitures et de nombreux éléments intérieurs, absence de mixité fonctionnelle et sociale), la plus grande partie des bâtiments, dont la totalité des façades, est préservée, ce qui était loin d’être gagné d’avance.

Le 16 septembre 2021, la bonne nouvelle tombe : le secrétaire d’État en charge de l’urbanisme et du patrimoine, Pascal Smet, annonce que les bâtiments sont sauvés, plus de huit ans après le lancement d’un projet de démolition totale porté par la KU Leuven, propriétaire des lieux depuis 2012, qui veut réaliser un nouveau campus pour la haute école Odissee (HUB, à l’époque). C’est donc à ce moment que l’on apprend que l’université renonce à mettre en œuvre le permis de démolition-reconstruction qu’elle a obtenu en 2017 : elle a en effet trouvé un accord avec Belfius Insurance pour implanter son projet de campus au Passage 44. En échange, Belfius Insurance devient propriétaire de l’ensemble à l’angle de la rue du Marais et de la rue des Sables et annonce vouloir y développer un projet respectueux du patrimoine. Si nous nous réjouissons alors de cette issue, fruit d’un travail de longue haleine et d’une forte mobilisation citoyenne (passés sous silence par le secrétaire d’État), la vigilance reste toutefois de mise : « L’ARAU restera bien entendu très attentif au développement de ce nouveau projet et n’abandonnera pas la procédure de classement qui, si elle aboutit positivement, garantira la pérennité des bâtiments. » La demande de classement, introduite en 2020, est finalement rejetée en novembre 2022, ce qui nous fait écrire que « le gouvernement se défausse de sa responsabilité et s’en remet au « bon vouloir » du propriétaire privé, Belfius Insurance, pour garantir l’intégrité et la pérennité de cet ensemble remarquable ».

« Optez pour un logement étudiant qui sonne comme une douce mélodie aux oreilles de tout investisseur »

Le programme du projet Meyboom, soumis à l’enquête publique jusqu’au 1er février, est composé de 222 logements étudiants et d’un logement « classique » (destiné au concierge) s’étendant sur une superficie de 10.107 m² (les bâtiments actuels en comptant 9.117). La gestion de ces logements serait confiée à la société ION, qui se présente comme un « acteur reconnu de l’immobilier étudiant ». La lecture du « dossier d’investissement » d’une autre résidence étudiante bruxelloise géré par ION (The Residance) ne laisse planer aucun doute : « Avec The Residance, vous optez pour un logement étudiant qui sonne comme une douce mélodie aux oreilles de tout investisseur. » Avec des loyers (charges non comprises) de 600 € pour une chambre d’environ 12 m² et de 750 € pour un « studio » d’environ 20 m², ION est donc loin de répondre à la « pénurie de kots de qualité à prix accessible » constatée à Bruxelles.

 

Extrait du « dossier d’investissement » du projet The Residance de ION

 

Le projet Meyboom ne propose donc ni mixité sociale, ni mixité fonctionnelle, alors que Pascal Smet avait pourtant laissé entendre, en 2021, qu’il aurait pu se composer d’« un mélange possible de logements étudiants, de bureaux et d’unités résidentielles ». Si le programme laisse à désirer (c’est le moins qu’on puisse dire), qu’en est-il des aspects patrimoniaux ?

Préservation des façades, démolition des toitures et d’une partie des intérieurs

À la lecture du dossier, et à l’examen des plans, on peut constater que les façades des trois bâtiments qui composent l’ensemble (rue du Marais n°33, rue des Sables n°3 et n°5) sont préservées. En revanche, les toitures sont démolies (à l’exception de celle du n°5 de la rue des Sables) pour permettre la construction d’une rehausse de deux niveaux côté rue du Marais (voir illustrations ci-dessous). Dans son avis rendu le 4 décembre 2023, la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) ne s’oppose pas à ces transformations si ce n’est qu’elle demande le maintien de la toiture du n°3 de la rue des Sables.

 

Plans des façades en situation existante (images du haut) et en situation projetée

 

Une partie des intérieurs est également concernée par des démolitions (voir illustration ci-dessous). Le dossier de demande de permis, qui manque de précision, ne permet pas de rendre compte des éléments qui seraient détruits. D’après des reportages photographiques réalisés antérieurement, les bâtiments contiennent des aménagements qualitatifs qui mériteraient d’être conservés et restaurés : ce sera un point à éclaircir lors de la réunion de la commission de concertation !

La balle est maintenant dans le camp de la Région

Il appartient maintenant à la commission de concertation de rendre son avis et à la Région de refuser ou de délivrer un permis, éventuellement assorti de conditions visant à amender le projet Meyboom. En l’absence d’un classement qui aurait permis de garantir la préservation de tous les éléments patrimoniaux, il faut donc compter sur la volonté de la Région d’imposer ou non la conservation d’une plus grande partie du bâti existant. Elle devra aussi assumer sa responsabilité vis-à-vis du programme du projet qui, par son absence de mixité fonctionnelle et de mixité sociale, est loin de correspondre au modèle de ville que l’ARAU défend…